Je suis en train de traduire un truc excellent. Vous allez me dire : ouais, mais c’est chaque fois, avec toi ! Ben écoutez, je ne sais pas, il faut croire qu’on me confie des trucs vraiment cool chaque fois.

Cette fois-ci, c’est pour un nouvel éditeur que je travaille : Don’t Panic Games (chez qui devrait sortir la VF de Cowboy Bebop pour ceux que ça intéresse !). Et le jeu dont je vais vous parler… ce n’est pas Cowboy Bebop.

C’est un “petit truc” qui s’appelle Fabula Ultima.

“Ca a l’air cool comme pays, le Disque-Monde”, se dit-il tandis que son bateau se cassait la gueule dans le néant spatial.

Fabula Ultima est un jeu d’Emanuele Galletto destiné à reproduire sur votre table (et un peu en dessous si vous perdez les dés quand vous les lancez) le déroulement d’un JRPG, c’est à dire de tous ces jeux de rôle pour console japonais du genre Final Fantasy (d’où le titre, qui est bien rigolo). Vous allez jouer dans un univers très inspiré des mondes pixellisés de ces jeux, en interprétant des personnages héroïques, avec un système tout simple mais adapté à ce genre de chose.

Et là, vous allez me dire : ça marche bien ?

Eh ben carrément bien, oui. Pour une raison très simple : Fabula Ultima ne cherche pas à réinventer la roue, mais expose des règles classiques avec une clarté assez rare. On n’est pas dans un jeu ultra-original où il faut jongler avec des dés en feu au-dessus d’une bassine pour réaliser les tests : ici, une poignée d’attributs, des dés qu’on lance toujours par deux, on fait la somme et il faut dépasser un niveau de difficulté. Du classique de chez classique.

Il y a des points de vie et de magie, de l’initiative pour les combats, des sorts et des rituels, et ainsi de suite. Rien que des choses qu’on a vues ici et là ces dernières années. Oui, mais ici… c’est bien.

C’est tout mimi, les illustrations, parfois !

Pourquoi ? Tout simplement parce que le système tout entier est au service de la simulation de JRPG. En premier lieu, il faut créer l’univers de jeu : là, on est dans l’optique d’une narration partagée. Chaque joueur contribue à la création d’univers, et le jeu propose d’emblée plusieurs atmosphères : high fantasy, natural fantasy et techno fantasy (on pense facilement à final fantasy, secret of mana et skies of Arcadia, par exemple). Pour chacune, on vous donne des pistes pour créer des personnages joueurs dans le mood, mais aussi leurs adversaires. La narration est guidée par des principes fun avant tout : il s’agit de vivre une aventure où les personnages grandissent, dépassent leurs différences et affrontent ensemble un péril menaçant leur monde entier.

La création de personnage, très simple, vous permet de définir des éléments qui vous donneront un bonus dans certaines situations : votre origine, votre identité et votre thème. Le thème, c’est quelque chose de très sympa : jouez un perso dont le story-arc tourne autour de la Rédemption et vous pourrez exploiter cet aspect en cours de jeu pour bénéficier de bonus lorsqu’il cherche à se racheter. Rien de révolutionnaire, mais ça colle pile à l’atmosphère.

Les personnages disposent également de liens, un système de relation très simple mais parfaitement raccord avec l’univers des JRPG pour représenter leur attachement ou leur aversion envers des PNJ, voire des organisations, des pays, etc. Encore une fois : une mécanique simple et solide.

A tout ceci s’ajoutent les points Fabula qui permettent aux joueurs de créer des éléments : un objet apparaît, un PNJ se présente, le groupe entend parler d’un érudit qui aurait la réponse à une question que tous se posent… Bref : le petit coup de pouce narratif qui permet aux joueurs d’intervenir dans l’intrigue sans pour autant tout foutre par terre : en effet, ces règles sont très bien expliquées et encadrées (pour certaines interventions, il faut par exemple obtenir l’accord du MJ).

Heidi et Pierre étaient bien décidés : ils allaient casser la gueule à Séphiroth.

A la lecture du livre de règles, les mécanismes s’enchaînent et tombent sous le sens : c’est clair, c’est facile, et tout est orienté vers le fun. Pas de mort de personnages joueurs, sauf si les joueurs qui les interprètent le souhaitent, et en général, leur sacrifice ultime permet de sauver le monde. Les règles de magie permettent à la fois d’utiliser des sorts tout faits et de recourir à une magie plus souple (celle des rituels) qui laisse énormément de marge de manoeuvre.

Les illustrations, très réussies, mêlent le style manga traditionnel à quelques illus chibi, et même à des objets en pixel art. Mon seul regret, c’est qu’il n’y en ait pas davantage (mais le bouquin est déjà bien fourni). A tout ceci s’ajoute un bestiaire traditionnel mais très clair et bien fichu, de nombreux conseils et une foule de règles optionnelles.

Une seule et unique réserve : le meneur de jeu va tout de même avoir du boulot, car le jeu ne propose pas de scénario… et pour cause, il est censé se dérouler un peu en bac à sable (avec des règles d’exploration encore une fois claires et simples), avec une bonne mesure d’impro. Il faudra donc tout de même avoir de la ressources, mais les règles offrent tellement d’exemples et de pistes que si vous êtes un peu habitué à maîtriser, ça devrait se passer comme sur des roulettes.

Et là où le jeu brille, c’est justement dans sa capacité à vous laisser faire à votre sauce tout en vous donnant une quantité considérable de matos : beaucoup mais pas trop, vraiment juste ce qu’il faut pour enflammer votre imagination et vous permettre de développer par vous-même.

Fabula Ultima a deux immenses qualités : tout d’abord, c’est un jeu classique (tous ses mécanismes, vous les avez sans doute vus autre part) mais dans le bon sens du terme. Si vous avez un peu peur des systèmes audacieux ou novateurs, vous serez à l’aise ici : même si le jeu utilise pas mal de petites règles astucieuses, on demeure dans le domaine des JDR traditionnels. Et en parlant de tradition, voilà le deuxième point que j’apprécie ici : Fabula Ultima vous proposer d’utiliser des clichés, des stéréotypes, ou plutôt un style très particulier, celui des JRPG, pour développer vos aventures. A la lecture, on imagine immédiatement comment faire une partie dans des univers connus : pourquoi pas jouer la suite d’un jeu vidéo qui nous a plu, ou placer l’intrigue dans un univers qu’on affectionne tout particulièrement ? (Ce qui me fait penser que ça permet aussi de recycler les artbooks de vos jeux vidéo préférés !)

Fabula Ultima est une boîte à outils énorme et modulaire (avec toutes ses petites règles optionnelles astucieuses), toujours élégante, toujours d’une grande clarté, toujours à l’avantage du fun.

Et voilà ce qui va me permettre de conclure : Fabula Ultima me donne l’impression d’un jeu tout à fait idéal pour l’initiation. Avec son esthétique de jeu vidéo, son utilisation de stéréotypes accessibles pour n’importe quel enfant ou ado, ses règles limpides et l’énorme marge de manoeuvre qu’il laisse aux joueurs, c’est un outil splendide, que je recommande vivement aux papas et aux mamans qui souhaiteraient faire découvrir le JDR à leurs chères têtes blondes… mais pas que ! De toute évidence, Fabula Ultima a tout ce qu’il faut pour développer des campagnes décomplexées, où le maître mot est fraternité : on a d’emblée envie d’interpréter des personnages héroïques et hauts en couleur.

C’est un petit jeu que je n’attendais pas, qui sort un peu de nulle part, et qui fait parfaitement ce pour quoi il est conçu : reproduire l’atmosphère, et même l’émotion, des JRPG. Une belle mécanique servie par des illustrations tellement agréables qu’on en voudrait davantage, et une superbe surprise en ce qui me concerne !