Je sais que c’est loin d’être facile. Le fameux « jet de Perception » (ou d’Observation, ou de « Trouver machin essentiel pour le scénario ») fait partie, depuis toujours (ou pas) des scénarios de jeu de rôle.

Mais après avoir lu un petit machin sur le sujet, j’ai décidé de le laisser complètement tomber.

À quoi me servait le jet de Perception

J’avait l’impression que le jet de Perception me permettait d’introduire quelque chose d’intéressant dans mes parties : une possibilité supplémentaire, un embranchement, un « si… si ».

Le « si… si », c’est ce moment où tu te dis : si les joueuses font tel truc, tel événement se produit, mais si elles font tel autre truc, tel événement différent se produit. C’est pas mal, le si… si (à condition d’éviter le bluff bien moisi du troll quantique) : deux issues différentes pour la partie. Au bout du compte, tout jet de dés débouche sur un si… si, et c’est bien…

À condition que les deux issues du jet soient intéressantes.

Et s’ils ne trouvent pas l’indice ?

Supposons qu’on ait un scénario « à indice ». Les PJ doivent trouver le scarabée d’or pour déverrouiller la crypte secrète et accéder au temple des adorateurs de Baygon.

Et s’ils ne le trouvent pas ?

Eh ben… on n’a qu’à dire qu’un PNJ le leur rapporte. Ou alors qu’ils essaient encore. Ou qu’un autre indice les y mène et…

Mais sérieusement, est-ce que c’est pas un peu du remplissage ?

La solution moderne au jet de Perception raté

Beaucoup de jeux modernes (je pense à Tales from the Loop ou aux dernières versions de l’Appel de Cthulhu) ont décidé de contourner le problème en vous disant : le test ne sert pas à déterminer si les personnages trouvent l’indice, mais s’ils le trouvent sans problème.

C’est-à-dire que s’ils le loupent, eh bien il y a un « oui, mais » : vous trouvez l’indice MAIS vous avez mis du temps, vos adversaires sont à la porte. Vous trouvez l’indice MAIS vous renversez la vitrine : on saura que vous êtes venus fouiner. Vous trouvez l’indice MAIS vous le cassez et il va falloir le rafistoler.

Vous avez compris le truc. Et honnêtement… c’est pas mal. Ca introduit un risque, une tension. Et on ne risque pas que les joueuses loupent le truc essentiel. Maintenant… ça ne sert pas à trouver un truc. Ca sert à soumettre la découverte du truc à une possible tension.

Pas de test…

Récemment, j’ai essayé une autre méthode, soufflée par la muse OSR. Dans l’OSR, on préconise d’éviter les jets de Perception : le MJ décrit une pièce, par exemple, et il sait que la porte secrète se trouve derrière la tête de lit de la chambre. Il ne demande aucun test, mais si les joueuses disent « on fouille derrière le lit », il leur annonce qu’elles ont trouvé la porte.

Simple, efficace et rigolo. Corollaire : on ne peut pas accepter que les joueuses disent « on fouille partout » (Ou alors, on répond : « vous trouvez une chambre », et on fuit sous les cailloux pointus en se protégeant la tête avec le paravent). Ca demande un petit effort… des deux côtés dudit paravent.

Mais le principe de base est simple : si les joueuses cherchent, elles trouvent à tous les coups.

Un effort de meujeutage

Ben oui. Quand la découverte d’un indice dépend d’un jet de dés, c’est un simple « si… si ». Si les joueuses réussissent le test, elles trouvent l’indice, que celui-ci soit caché sous le lit, au plafond ou à l’intérieur de l’abat-jour.

Si l’indice est caché quelque part, il faut décrire ce quelque part, et surtout insérer cette description dans un ensemble, c’est-à-dire dans la description du reste de l’environnement. « Vous êtes dans une chambre à coucher qui comprend un lit calé contre le mur, une petite table de nuit et un tapis représentant un acrobate qui fait un triple salto. Un petit bougeoir est posé sur la table de nuit. »

Voilà voilà. C’est mieux que : « vous êtes dans une chambre ordinaire de 4 m sur 3. Faites un test de Perception. » (Je grossis le trait, hein, mais vous avez compris.)

N’oubliez pas que vous pouvez aussi vous servir des PNJ. Si l’indice est caché dans le tiroir de la commode, vous pouvez annoncer : “quand vous entrez et commencez à examiner les lieux, le baron se poste devant la commode, droit comme un i.” Il cache quelque chose, ce gars-là ! (Et c’est beaucoup plus rigolo de le dire immédiatement que de demander : “faites un jet de PER”, de voir que les joueuses le loupent et de ranger dans votre poche l’interaction avec le baron…).

La méthode nécessite un effort de la part du MJ. En fait, elle est tout sauf confortable : non seulement on ne se repose plus sur la tension générée par le jet de dés (ce qui était bien pratique pour faire passer quelques secondes de jeu), mais en plus il faut se fendre d’une description détaillée…

C’est comme ça qu’faut faire

… et… Ben c’est plutôt ça, le jeu de rôle. C’est plutôt décrire et réagir aux actions des joueuses, non ?

Et puis… il y a autre chose, en fait, et ça, je l’ai découvert en jouant (et aucun article ne m’en aurait convaincu : par conséquent, il y a fort à parier que celui-ci ne vous persuadera pas du bien-fondé de la méthode, aussi je vous recommande de l’essayer par vous-mêmes).

En fait, ça permet de se concentrer sur l’essentiel. Enfin, ce que je trouve essentiel. C’est-à-dire ce que font les joueuses. Vous connaissez certainement le conseil : soyez fans des PJ de vos joueuses. C’est un truc que j’applique à fond en ce moment. Or, si je demande aux joueuses un test de Perception, si elle ratent l’indice et si je les vois patauger dans le vide pour trouver la foutue porte derrière le lit pendant des plombes alors que j’ai envie de les voir affronter Salopiax le Grand Prêtre…

Ben c’est vraiment pas super fun. Et ce n’est pas dans ce contexte que la partie devient amusante.

Dans un film, par exemple, ce qui suscite notre intérêt, c’est ce que les personnages FONT. Ce qu’ils FONT de la situation, mais aussi des éléments dont ils disposent. Et plus ils en ont, plus c’est intéressant.

Mon expérience à moi que j’ai

J’ai donc testé la méthode : les PJ trouvent tout à condition de chercher au bon endroit.

— On palpe les murs.

— Où ça ?

— On commence par le mur sud. On longe.

— C’est froid. Arrivée au lit, tu sens un petit creux sous tes doigts.

— Je le suis du doigt.

— Ca forme un grand rectangle derrière la tête de lit. De la taille d’une porte.

— Je pousse.

— Tu regrettes d’avoir mangé ce « chili mystère » chez les halfelins la veille, mais tu sens que ça bouge.

— Je pousse un peu plus à droite.

— Ca pivote. C’est une porte secrète.

Je fais comme ça tout le temps. Parce que je me suis rendu compte d’un truc : le fait de louper un indice n’a jamais amélioré une partie de JDR pour moi, de quelque côté du paravent que je me trouve (en fait, en tant que MJ… ben c’est la purge : les joueuses loupent le truc essentiel et partent sur TOUTES les fausses pistes possibles).

Vous avez vu : c’est rigolo de procéder étape par étape, de faire découvrir. On a un dialogue ludique, qui révèle des choses peu à peu, et tout ça sans jet de dé.

Oh, ça m’arrive encore de lâcher un petit jet de Perception ici et là. Mais… de moins en moins, en fait.

Y a pas que les indices dans la vie

Il existe énormément de situations où le jet de Perception est devenu la norme… alors qu’il n’a aucun intérêt : un piège attend les PJ, une embuscade, les émotions d’un PNJ, quelqu’un tente de se faufiler…

Tout ceci peut être résolu par un jet de Perception… mais aussi par un dialogue sympa.

* Un piège : décrivez les environs du piège, et en particulier ses dernières victimes. Un cadavre effondré à terre et présentant de grosses plaies, aux côtes, de part et d’autre (des pieux jaillissent horizontalement du mur). Par terre, les pierres ont une couleur différente. De l’eau tombe du plafond (ça c’est juste pour brouiller les pistes, parce que quand même, ça ne fait pas de mal d’emmerder les joueuses de temps à autre !).

C’est bien plus amusant de voir les PJ trouver le moyen de désamorcer ou de contourner le piège que de dire : faites un test et c’est réussi ou non.

* Embuscade : ça marche comme un piège. Si au moins un des PJ déclare qu’il avance de façon vigilante, il repère un détail qui sort de l’ordinaire. Oh, et puis merde : à proximité de l’embuscade, même les autres (ceux qui y vont en sifflotant) repèrent un truc louche : plus de chants d’oiseaux. Les brigands en embuscade se sont planqués précipitamment, mais ils ont bien piétiné sur place avant : il y a des traces par terre.

Enfin bref, vous avez compris. Et quand l’embuscade survient, c’est là qu’on fait un jet : réflexes, pour savoir qui a l’initiative. Les PJ qui ont compris et ont déclaré qu’ils étaient à l’affût désormais remportent automatiquement le jet et agissent en premier.

* Indice à découvrir : les PJ le trouvent. Point barre. Tentez le coup, et je vous recommande même d’essayer, par exemple, avec un scénar où les indices sont soumis à des tests de Perception. Chaque fois, partez du principe que le premier PJ à fouiller pas loin de l’indice le découvre automatiquement. Tentez vraiment le coup. Vous allez être surpris de la fluidité que vous allez gagner dans la partie, et surtout de l’effervescence que ça va provoquer à la table : si le jet de PER est raté, il ne se passe RIEN. Donc autant faire comme s’il réussissait à tous les coups.

* Déceler des émotions : le jet de PER ou de Psychologie traditionnel. Le PNJ fait une tête toute chelou et ça veut dire quelque chose. Bon, la description des expressions du visage, c’est compliqué. Vous aurez beau parler de froncements de sourcils, de front plissé ou de moue… Ca risque d’être difficile à interpréter. Autant y aller à fond : « elle répond oui, mais avec un regard fuyant. » Bon, ben vous savez qu’elle ment ou cache quelque chose. « Je vous jure que j’aime cette femme, dit-il sans la regarder. Quand il croit que vous ne le voyez pas, il jette un coup d’œil furtif vers la comtesse. » Bon, ben le mec, il en pince pour la comtesse, en fait.

Vous savez quoi ? Fuck la subtilité. Vous avez déjà regardé une série télé policière ? Quand il y a un truc très utile, la caméra fait un GROS PLAN dessus à un moment, histoire de vous dire : hé, les spectateurs, c’est ça l’indice ! Qu’est-ce qui vous empêche de le faire en JDR ? Et qu’est-ce qu’il y connaît, aux gonzesse, Rick Hunter ?

Rien.

Donc euh, où j’en étais ?

Y a des exceptions ?

Est-ce que vous avez envie qu’il y en ait ? Ben si oui, alors y en a. Moi, je vais continuer comme ça à présent.

Et sinon, la Perception, ça sert plus à rien ?

Ah ben si. Un petit jet de PER réussi pour examiner le mécanisme de l’arme de l’ennemi permet de savoir comment l’utiliser. Un petit jet de PER pour comprendre les règles de l’étiquette de cette culture étrangère et étrange vous donne un avantage aux jets de dés quand vous essayez de plaider votre cause devant ce tribunal qui vous accuse d’avoir gorzifluté des chtofmols (ce qui est manifestement un crime puni de salaison dans le secteur). Bref, ça sert à obtenir quelque chose EN PLUS. Pas quelque chose d’indispensable au déroulement du scénario. Par exemple, si les joueuses me disent : “on aimerait bien trouver une arme improvisée ici”, au lieu de faire un “jet de chance”, je peux leur demander un test de Perception.

Et puis vous allez bien trouver d’autres trucs, je vous fais confiance.

Conclusance

Ce matin encore je traduisais cette phrase : « Le chemin qui descend à la citerne ne saute pas aux yeux, il faut réussir un test d’Observation pour le repérer (à moins que les PJ ne tombent dessus par hasard). » Quand je vais le jouer, j’attendrai simplement ce que font les joueuses. Si elles me disent « On fouille de ce côté-ci », je leur répondrai « vous repérez un chemin un peu caché. » Si elles ne disent rien, je dirai : « en vous promenant dans le coin, vous glissez et vous vous rendez compte qu’il y a là une sorte de chemin dérobé ». Et hop, un test d’Observation économisé !

Aller à l’essentiel :

Tentez le coup dans une de vos parties, juste pour voir.

* Quand il y a un indice, les joueuses le trouvent sans jet de dés.

* La recherche d’un indice peut se faire de façon graduelle, par une suite de descriptions.

* Pour qu’elles sachent où chercher, il faut décrire correctement les lieux (dans une pièce, trois ou quatre éléments suffisent), ou même les gens et ce qu’ils font.

* Le test de Perception sert toujours à obtenir un bonus ou une information en plus de ce qui est nécessaire pour que le scénario avance.