Comme je le disais hier, j’ai toujours été fan de comics, et en particulier des comics de chez Marvel. Ces dernières années, ma consommation de comics a toutefois cruellement stagné. Les héros de l’écurie Marvel, de plus en plus focalisée sur des “events”, de grands crossovers rassemblant plusieurs héros (voire une foule de héros divers et variés), ont perdu en lisibilité, pour moi.

Pour tout dire, ça fait déjà quelques années qu’il m’est plus agréable de suivre leurs aventures au cinéma que sur le papier (excepté lorsqu’il s’agit de relire de vieux trucs aux pages cent fois feuilletées). Là, au moins, j’ai l’impression de retrouver les héros “d’autrefois” : des personnages qui interagissent avec des êtres humains plutôt que des pions dans un gigantesque échiquier dont il faut suivre tous les coups pour avoir une vague idée de ce qui se passe.

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House of X, soit la maison du X. Faites vous-mêmes vos blagues là-dessus, c’est trop facile.

Je me suis malgré tout laissé tenter par un événement centré sur les X-Men : House of X/Power of X. Le principe était simple : un événement sur six numéros, répartis sur deux séries, et dévoilant un élément stupéfiant de l’univers des X-Men. J’en avais entendu parler sur un blog, et le pitch était intéressant : il tournait autour du Dr Moira McTaggert, un des membres du vaste “supporting cast” des X-Men de mon époque préférée (l’époque où Chris Claremont était scénariste, en gros). Ca vient de se finir récemment, et c’est effectivement un événement qui change la donne dans l’univers X-Men, et dans l’univers Marvel tout court. L’idée est fascinante et exploitée sous une forme euh…

À l’origine, j’avais écrit ceci pour cet article :
Sous une forme complexe si vous n’avez pas une grosse culture marvellienne. Et une culture assez récente. Et comme il s’agit d’une storyline éclatée sur plusieurs époques, et même dans plusieurs univers, le scénario étant présenté autant par les pages en cases que par des inserts de texte expliquant certains éléments, ou laissant planer le doute sur d’autres…

Eh bien c’est tout simplement illisible lorsqu’on le prend séparément de tout le reste. On est très très loin de la “méthode Stan Lee”, qui consistait à résumer, au début de chaque comics, sur les deux premières pages, l’intrigue en cours…

C’est très esthétique, ça parle d’enjeux à l’échelle planétaire, voire un petit peu cosmique, et il y a une foule de personnages qui font des choses, qui complotent et intriguent chacun dans son coin, c’est bourré de références et d’allusions… et c’est assez complètement incompréhensible si vous n’avez pas suivi une bonne partie de l’histoire des X-Men ces dernières années. Il ne s’agit pas d’un jugement de valeur de ma part : manifestement, les fans américains s’accordent sur la qualité de l’intrigue, que je ne nie pas. Simplement, celle-ci est tout simplement invisible : elle ne repose que sur une infinité de bases posées ailleurs. En tant que relecture du mythe des X-Men, le récit apporte un sang neuf absolument épatant, tout en proposant une nouvelle option pour les X-Men. En gros : plutôt que d’être des marginaux et de lutter pour se faire accepter dans la société, ils s’affirment comme ayant le droit d’exister tout simplement… parce qu’ils existent. Il ne s’agit pas d’appliquer le dogme de Magnéto (éradication de l’homo sapiens au profit de l’homo superior) mais de trouver une autre voie. Si jamais le sujet vous intéresse, je vous recommande la lecture d’un article enthousiaste sur le sujet, ici.

Et c’est là que mon Raton Laveur Galactique préféré m’a interpelé :
Alors là je pense que c’est un cas de biais de confirmation assez flagrant. HoXPoX ne fait a peu près aucune référence à des histoires mutantes des 10 dernières années. A la rigueur, une poignée de personnages récents ont des rôles secondaires et y a une ou deux références à des micro-trucs ayant eu lieu y a de ça quelque temps mais c’est tout.
Tu crois que les choses que tu ne comprends font référence à des choses récentes alors que :
1/ soit c’est à des choses anciennes (voire parfois ayant plusieurs décennies dans les jambes
2/ soit c’est des choses que moi-même je ne comprenais pas en les lisant (et progressivement qui se révèle au fur et à mesure de la narration.

Ensuite, on s’est battus tous les deux, avec illustrations pleine page et onomatopées du genre “BIM”, “KATCHONKA”, “KERBLAST”, et ma préférée : “KRAKABOOM”.
Mais je vois tout à fait où est mon souci : ce qui m’a arrêté (comme un mur), c’est plutôt une quantité d’informations diffusées de façon complètement éclatée et donnant l’illusion du rattachement à des intrigues récentes. Comme me le disait le Raton Laveur : il faut avoir envie de s’impliquer, de jouer le jeu. Or, la complexité, le caractère délibérément impénétrable de la narration m’ont rebuté.

Bref : la lecture de House of X/Powers of X a été particulièrement laborieuse, pour moi. Je ne suis d’ailleurs pas arrivé au bout, et je crois que je me contenterai d’un résumé de la situation, car j’ai énormément de mal à m’investir émotionnellement dans des personnages qui semblent complètement détachés, voire inhumains (c’est assez flagrant lorsqu’on feuillette les épisodes de Powers of X, où les expressions du visage sont à peu près toutes identiques, le dessin de House of X étant bien plus expressif).
Après l’explication de mon ami, je me dis que la situation est bien plus compliquée que ce que j’envisageais, mais le récit me rebute toujours : il va me falloir un peu de temps pour trouver l’envie de m’y replonger (même si je n’écarte pas cette possibilité). J’ai eu l’impression que les scénaristes me balançaient un univers très compliqué, qui nécessite davantage de clefs qu’ils ne m’en donnaient, tout en présentant l’ensemble comme une énigme où il faut que j’aie envie de les suivre pour profiter du truc. Bref, ça n’a pas du tout fonctionné pour moi, et j’ai vraiment eu l’impression d’être à la ramasse.

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SALAUD !

Du coup, quand on fait cette constatation, on se sent un peu un vieux con, ou au moins un lecteur/une lectrice largué·e. Snif, finis les comics pour moi, je suis trop vieux ? Je croyais que c’était 77 ans, la date de péremption du cerveau ! LE JOURNAL DE TINTIN M’AURAIT MENTI ?

C’est là qu’intervient Ed Piskor et sa formidable série “Grand Design”. Ed Piskor est un fan des X-Men, il a compulsé toute la série depuis les premiers épisode des années 1960 jusqu’à aujourd’hui, et il a mis en place un projet assez épatant : résumer tout ça. Toute l’histoire des X-Men en quelques centaines de pages. Voilà qui me semblait beaucoup plus digeste : puisque je connaissais déjà l’histoire, je ne risquais pas d’être paumé. Cela dit, est-ce que je ne risquais pas de me faire un peu chier à lire un gros résumé genre “Dans les 300 épisodes précédents” ?

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Les planches sont tout simplement splendides.

L’expérience prouve que non. X-Men Grand Design est articulé de façon très “européenne”, avec une action qui file à Mach 3, pour donner un résumé fulgurant de la carrière des ziqusemène, comme on disait quand on prononçait l’anglais comme des gougnafiers. Piskor y intègre toutes les intrigues et les retcons développés au fil des ans chez Marvel (excepté ce qui se passe dans House/Power of X, mais compte tenu des pouvoirs de Moira McTaggert que l’on découvre dans ces derniers, ça fonctionne quand même, à bien y réfléchir), et offre un aperçu des premières années de l’équipe (jusqu’aux événements précédant son passage sur l’île de Krakoa… qui figure en bonne place dans House/Power of X, ah ben ça alors !). La série s’est poursuivie avec “Grand Design – Second Genesis” et “Grand Design X-Tinction”, que je vous recommande vigoureusement si vous lisez l’anglais et si vous êtes fan des années Spécial Strange des X-Men (en plus, vous pouvez vous procurer ça sur Kindle pour une bouchée de pain, moins de 12 euros pour l’intégrale en ce moment, ici, et ). Le style foisonnant de Piskor, sa vision des costumes et des éléments emblématiques de l’histoire des X-Men, confèrent un immense charme à ce “X-Men : la version abrégée”. Si vous optez pour une version papier, sachez qu’elle adopte également un format différent, plus grand que celui des comics. L’utilisation de la couleur (et du “vrai blanc” en particulier) est formidable.

Après un rendez-vous manqué avec House of X/Powers of X, Grand Design m’a réconcilié avec l’écurie Marvel. Mais il ne s’agissait que d’une ruse, finalement : lire une version remaniée d’un truc que je connaissais déjà, c’est de la triche. C’est là qu’intervient l’excellent Aurélien Vives, qui est non seulement un mec absolument adorable, mais un connaisseur en matière de comics, auquel je me fie presque totalement lorsqu’il s’agit de bayday de superhéros.

Je le retrouvai donc comme d’ordinaire, juché sur une gargouille, surveillant la ville de son regard d’aigle, le vent faisant claquer ses… ses moustaches de raton laveur galactique. Il se tourna vers moi avec une expression indéchiffrable, et déclara :

“Je sais ce que tu es venu chercher, p’tit gars.”

Puis il plongea entre les immeubles, missile velu porté par les bourrasques, avant de disparaître dans les entrelacs chtoniens des ruelles de la ville, repaire des plus infâmes malandrins… Il avait toutefois répondu à ma question muette. Un seul nom.

Donny Cates.

À demain pour en savoir plus !