Ca faisait un bout de temps que je n’avais plus de bibliothèque à proprement parler.
Ces temps-ci – entendre : depuis que je suis devenu traducteur indépendant, il y a moins d’un an – j’ai dû réorganiser mon bureau, et pour diverses raisons, je n’avais plus de bibliothèque dans celui-ci. J’avais l’impression que ça ne me manquait pas. J’empilais sur mon bureau et sur mon “étagère à foutoir” les derniers magazines que je lisais, les quelques bouquins indispensables à mon travail (romans, JDR et livres de référence du genre dico des synonymes) et un ou deux livres “à lire quand j’ai cinq minutes”. J’avais pris l’habitude de beaucoup lire sur support numérique : ma femme m’a offert une liseuse et je lis beaucoup sur l’application Kindle, en particulier parce qu’elle me permet d’accéder à des livres très difficilement trouvables (le dernier en date est un ouvrage consacré à la série The Wire, en anglais, et quasi épuisé).
Et puis, cette semaine, j’ai eu envie d’avoir une bibliothèque un peu plus structurée dans mon bureau. J’ai simplement récupéré une de nos vieilles étagères en plastique cheap, et je suis parti exhumer des cartons, au grenier et dans la remise, les ouvrages qui la composeraient.
Ca fait longtemps que je ne m’étais pas autant amusé. Trier des bouquins, ressortir de vieux trésors, choisir ce qui était strictement indispensable, ajouter quelques lectures superficielles, caler le tout avec un gros bouquin de jeu de rôle… Déjà, ça, c’était marrant.
Mais quand tout a été terminé, quand j’ai fini de remplir ma petite bibliothèque (à laquelle j’avais rajouté un étage au passage, car la place me manquait pour l’indispensable, finalement…), j’ai contemplé mon oeuvre avec délice, et mon regard s’y arrête régulièrement. J’y pioche négligemment un bouquin de référence ou une BD que je veux relire ou simplement feuilleter. En toute honnêteté, c’est bien plus agréable que de fouiller dans la mémoire de ma liseuse numérique ou ma bibliothèque Kindle. Non pas, simplement, à cause du “noble contact du papier”. Mais simplement parce que j’ai enfin compris que cette bibliothèque a fini par me définir. Et que j’ai fait comme ça toute ma vie sans jamais m’en rendre compte.
J’ai toujours eu une petite bibliothèque qui ne renfermait qu’une partie de l’ensemble de mes bouquins (les autres étant confortablement stockés dans des cartons, sous des meubles, voire chez des potes qui ne me les rendront peut-être jamais, et je m’en fiche). En la parcourant, je vois les sujets qui me passionnent actuellement. Les jeux de rôle auxquels je joue ou j’ai envie de jouer. Les manuels techniques des domaines auxquels je me forme.
Ma bibliothèque comprend actuellement des bouquins de Jack Vance pour le fun (RIP Jack !), toute ma collection d’Unknown Armies, quelques Essential Spider-man (toujours pour le fun), plusieurs bouquins de Temple Grandin consacrés à l’autisme et à la communication, une foule de bouquins sur l’écriture et la narration, quelques manuels pour apprendre à dessiner, mon bouquin préféré sur le bouddhisme (Folle Sagesse de Chögyam Trüngpa) et la biographie des Monty Python (entre autres). Il y a aussi un roman en cours de traduction. Quand j’en aurai terminé avec celui-là, je le retirerai des rayons. J’aurai tourné un chapitre de ma vie. Mais la bibliothèque sera là pour me rappeler ce qu’il reste à faire, qui je suis et qui j’ai envie d’être.
Le bon peuple exige une photo, Monsieur Sandy !
Peu désireux d’affronter (encore une fois) les fourches et les torches, je me vois contraint de céder !
C’est tellement vrai. Je dis toujours que je peux partir en moins de 5 minutes. Aussi, j’ai placé tous les ouvrages qui me sont chers dans la petite bibliothèque à moins de quatre mètres du lit. Tous les autres traînent sur l’ensemble des murs qui ne servent pas de portes ou de fenêtres. Et c’est quand on déménage qu’on peut dans ce cas compter ses amis.