Star Wars, le Jeu de Rôle – Partie 2

 

IMG_3956 (800x533) Comment des bouts de plastique m’ont converti au côté obscur…

 

Ça m’était déjà arrivé, plus de 25 ans auparavant, en ouvrant la boîte du jeu L’Œil Noir et en découvrant mon tout premier icosaèdre (merci les comms ^_^) : la fascination induite par un simple bout de plastique.

Un bout de plastique capable de produire non seulement du hasard, comme tous les dés, mais également des histoires. Des récits. Le hasard, c’est un potentiel, des possibilités qui n’attendent que quelqu’un pour les interpréter, leur donner corps. Mélangez le hasard et la littérature, observez le résultat : vous obtenez une machine à créer du sens (les gens de l’OuLiPo l’avaient compris avant les rôlistes…).

Ce sont donc les dés de Star Wars, Aux Confins de l’Empire qui ont terminé le travail entamé par les illustrations extraordinaires du jeu : émousser mes réticences face à un univers qui avait perdu tout intérêt pour moi, à force d’être exploité n’importe comment.

Dans la grande majorité des jeux de rôle, le résultat des jets de dés est binaire : un jet de dé permet simplement de déterminer si un personnage réussit ou échoue à effectuer une tâche donnée. Peu importe, en réalité, le nombre de faces que comporte le dé, le nombre de dés lancés, les paramètres permettant de calculer les chances de réussite : au bout du compte, une fois les dés lancés et le résultat obtenu, soit on réussit, soit on échoue. Le dé représente donc l’arbitre final : une fois pris en compte tous les facteurs que l’on peut humainement recenser (évaluation de la difficulté de la tâche, des prédispositions du personnage à la mener à bien, des facteurs extérieurs risquant d’influer, etc.), c’est le poids du hasard qui fait pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. Et c’est un très bon système, qui introduit une incertitude et une tension nécessaires pour captiver les joueurs (Monte Cook disait récemment dans un article « Lancer les dés, c’est amusant et ça introduit un aspect dramatique dans le jeu, mais uniquement parce qu’il existe une chance d’échouer. »).

Mais les dés de Star Wars, version FFG, permettent d’introduire des nuances. En effet, ils ne comportent pas de nombres, mais des symboles. Ceux-ci sont associés par paires : les réussites et les échecs, les avantages et les menaces, les triomphes et les désastres. Certains sont absents de certains dés : on sait donc qu’ils n’apparaîtront que quand ceux-ci interviennent. L’aspect binaire est toujours présent : un échec annule un succès, et à la fin de ce décompte, s’il reste au moins un succès, l’action entreprise est réussie. Toutefois, quelle que soit l’issue de la tâche entreprise, on prend également en compte les autres symboles. Les avantages indiquent que quelque chose d’imprévu tourne en faveur du joueur, et les menaces, au contraire, signifient qu’un inconvénient se présente. Un triomphe symbolise un effet positif spectaculaire, et un désastre correspond peu ou prou à « l’échec critique » cher aux rôlistes.

IMG_3955 (800x533)Le plus intéressant, c’est qu’une action peut réussir, mais se retrouver assortie de menaces : « Tu réussis à t’accrocher à une racine pour éviter de tomber dans le précipice… Quoique… à bien y réfléchir, cette racine remue beaucoup… on dirait bien qu’elle est vivante ! Ce n’est pas une plante, mais le tentacule d’une des méduses de terre de la planète ! »

Et même si le livre de règles présente des utilisations spécifiques pour les divers symboles, la plupart du temps, l’apparition de ceux-ci constitue l’occasion idéale pour improviser des rebondissements… La machine à créer du sens est perfectionnée, puisqu’elle stimule l’imagination. Le jet de dé ne se contente plus de répondre à une question ; il en suscite de nouvelles. Ce n’est plus simplement un outil de résolution ; il se transforme littéralement en moteur de l’action.

Bien sûr, le système n’est pas nouveau, puisqu’il apparaissait déjà dans la troisième édition de Warhammer. Toutefois, l’énorme quantité de matériel nécessaire à la bonne utilisation de ce jeu finissait par étouffer le potentiel des dés, et l’investissement de base était tout simplement énorme. Ici, avec le Kit d’Initiation, on dispose déjà de tout le matos nécessaire pour quelques parties (d’autant que deux scénarios gratuits sont déjà à disposition, Le Hutt a le Bras Long, et Sous le Soleil Noir, qui comprend même un résumé des règles). Pour jouer convenablement, on préférera naturellement se tourner vers le somptueux livre de base (et je ne dis pas ça simplement parce que j’ai participé à sa traduction : il était déjà splendide en VO), en y ajoutant deux sets de dés au moins. On est très loin des kilos de matos nécessaires pour Warhammer. Personnellement, j’opterais pour des dés “réels” pour les joueurs, en gardant l’appli iPad/Android pour le MJ, histoire d’accélérer la lecture des symboles.

Les retours que j’ai eus jusqu’ici du jeu sont très positifs : bien utilisé, il convertit souvent les irréductibles adeptes du système d6 (celui de West End Games), lequel, à mon avis, a fait son temps.

Au vu de la qualité du système de jeu, je ne peux qu’en faire la promo. Je signale que je travaille pour Edge Entertainment et que j’y perds sans doute une part d’objectivité, mais je n’ai pas l’habitude de taire mon engouement pour un jeu simplement parce que j’ai bossé dessus.

Et pour le prouver si besoin est, je dirais qu’il existe quand même un aspect décevant dans ce nouveau Star Wars, ou plutôt dans le livre de règles. Il s’agit du chapitre consacré au background. Rempli de sigles et de descriptions presque « administratives », il échoue là où les illustrations ont réussi, puisqu’il ne parvient pas à faire vivre le monde très riche de Star Wars. Curieusement, c’est dans les chapitres consacrés à l’équipement et aux PNJ qu’on trouvera la substance nécessaire à bâtir des scénarios : ils sont bien plus vivants que le texte fadasse et presque stalinien de la partie consacrée à « l’univers ». Petite déception, donc, mais j’avoue que mes premières idées de scénario me sont venues bien avant de lire ce chapitre, complètement dispensable.

À côté de ça, le système est d’une grande richesse. Je passe sur les classes de perso utilisant un système d’arbres de talents très judicieux, sur les combats spatiaux enfin fluides et permettant à plusieurs joueurs d’intervenir en plus du pilote, et sur d’innombrables détails techniques pertinents et bien exploités. La gamme est jusqu’ici particulièrement bien conçue. Le Kit d’Initiation à lui seul est excellent : matériel de qualité, richement illustré, avec un scénario présenté comme un tutoriel, à la fois pour le maître de jeu et pour les joueurs… Dès le début de la gamme, les joueurs disposent de nombreux scénarios (celui du Kit, intéressant pour débuter, celui de l’écran, exploitant une excellente idée, celui du livre, assez moyen, et les deux scénarios gratuits, très bien fichus), en attendant une pléthore de suppléments.

Il y a déjà de quoi faire…

Bientôt la troisième et dernière partie de ces articles consacrés à Star Wars, un volet spécial qui parlera de traduction et de l’envers du décor…