Pas à dire, les titres en anglais, faudrait pas les traduire !

D’autant que le titre de ce jeu “They Came From Beyond the Grave” (en gros, ceux qui venaient d’outre-tombe) est en réalité un jeu de mots sur le précédent jeu de la gamme, They Came From Beneath the Sea, qui parodiait les vieux films de SF/horreur des années 1950.

J’avais très envie d’aimer They Came From Beyond the Grave d’Onyx Path Publishing. Ce jeu vous propose de jouer des récits d’horreur inspirés des films de la Hammer. Son originalité consiste à donner un ton humoristique aux parties, en insistant sur les acteurs cabotins, les répliques un peu lourdingues et le côté involontairement hilarant de ces films.

Autre détail : on peut y interpréter les personnages « en double », une version dans les années 1970, et leurs ancêtres ou doubles au 19e siècle (les récits de personnages réincarnés étant souvent de mise dans les vieux films fantastiques).

Quand vous jouez à Guillaume Tell, n’oubliez pas la pomme.

Très intelligemment, les auteurs expliquent d’emblée qu’on ne peut pas forcer l’humour : ça ne fonctionne pas. Ils ne donnent pas vraiment de pistes pour le favoriser non plus, ce qui n’aide pas vraiment. Heureusement, le jeu propose deux mécanismes qui vont pousser un peu le truc : des “quips”, des répliques complètement cheesy et lourdingues que les PJ peuvent placer pour gagner des bonus assez considérables (surtout si on les multiplie), et des “effets de style” qu’on peut jouer pendant la partie pour simuler des effets cinématographiques : on revient en arrière, un perso était en fait absent, un cascadeur remplace un des acteurs qui bénéficie donc de meilleurs chances de réussir une tâche physique…

On a également une série de références cinématographiques passionnantes : les auteurs ont bien synthétisé tout un courant et en proposent une lecture agréable au travers de ses stéréotypes. On trouve d’ailleurs un excellent bestiaire classique du film d’horreur des seventies, qui compte les passages obligés (Dracula, la momie, la créature de Frankenstein, etc.). De ce côté-là, c’est plutôt pas mal, et les suppléments de la gamme proposent quelques originalités (dont la possibilité de jouer plutôt dans les Slasher des années 80).

Un argument essentiel des films de la Hammer : l’érotimste.

Malheureusement, les points positifs s’arrêtent là. Le système, héritier de celui du monde des ténèbres, utilise des d10 avec une réussite sur 8 ou plus. Il est expliqué laborieusement, avec une maquette pas vraiment folle qui n’aide pas à se repérer dans ce qui est essentiel ou secondaire. Des règles déjà assez pesantes deviennent réellement indigestes. La création de perso est vraiment laborieuse, a fortiori si on détaille son background comme le préconise le jeu. Pas de génie dans cette resucée de Vampire & Cie : des règles à l’ancienne, saupoudrées de quelques originalités tout de même et d’une volonté d’aller vers le “oui mais”. Mais la rédaction de l’ensemble, totalement dépourvue de volonté synthétique, est un énorme frein.

On a tout de même différents systèmes donnant des pouvoirs aux PJ, mais tout ça est complexe et mal hiérarchisé : les pavés de texte se succèdent pour expliquer la possibilité de prendre le contrôle narratif, d’utiliser les quips, les mouvements de caméra, etc. Il y a une foule de sous-systèmes qui viennent se greffer aux règles de base plutôt que de les prolonger.

Aucune volonté de résumer : il n’y a pas, par exemple, de page résumant la création de perso (un classique dans les jeux lourds), et j’ai eu beau chercher partout, je n’ai pas trouvé d’écran du MJ (c’est peut-être que j’ai mal cherché… mais c’est une des rares fois où je me suis dit qu’il fallait un écran pour jouer). Le jeu multiplie les petites règles complexes du genre : quand vous utilisez un “quip” (une des fameuses citations à placer), si vous obtenez une réussite, vous avez tel bonus, mais au bout de trois il y a un effet différent, et ça peut se transformer en avantage différent, mais vous ne pouvez pas l’utiliser plus de cinq fois sans que…
Note : il existe tout de même des cartes résumant les quips et un certain nombre d’effets… mais ça ne suffit vraiment pas.

Tout ça est décrit très longuement, alors qu’un petit tableau ou trois lignes de résumé auraient suffi, et des règles déjà assez pesantes deviennent carrément lourdingues. Le background est décrit pas de petites nouvelles… un tic rôlistique que je déteste… Je les ai vite survolées : ça ne vole pas bien haut et la volonté de pastiche l’emporte de très loin sur la qualité. Un mauvais point pour Griffondeplomb.

L’aspect “méta” du jeu (on joue des personnages… qui sont en fait des acteurs puisqu’ils peuvent utiliser des cascadeurs ou des effets de caméra) est maladroitement posé. Très loin de l’efficacité d’un Bimbo où tout est clair d’emblée (on joue les actrices, pas les personnages), ici on est toujours à cheval entre le côté méta et le côté premier degré.

T’entends pas comme quelqu’un qui se fait tuer, derrière nous, Ginette ?

Or, cet équilibre délicat que maîtrisaient (pas si adroitement que ça, en fait) les films de la Hammer et autres machins d’horreur loufoques de l’époque, est vraiment difficile à préserver dans le cadre d’un JDR, et dans celui-ci en particulier. Et ça se ressent dans les illustrations, toutes très premier degré. On a bien des affiches pastiches avec des titres ronflants (“Fear the Angel of Death !”), mais c’est tout. A la table, les quips vont certainement accaparer l’attention des joueuses (en tout cas c’est sans doute l’effet que ça me ferait), mais ira-t-on bien plus loin ?

Je doute de jamais le savoir : le gros pavé indigeste qu’est They Came from Beyond the Grave m’a tué l’envie d’essayer. On a souvent l’impression que je suis toujours fan de ce que je lis, mais c’est tout simplement parce que je ne parle que de ce qui me plaît réellement. J’enfreins cette règle pour ce jeu particulier, qui m’a vraiment déçu. J’attendais un système élégant à la Fria Ligan ou PbtA, un système qui codifie les stéréotypes d’un genre pour les reporter à la table, mais j’ai obtenu un ensemble d’outils sans guère de cohérence, et très mal fichus.

Les règles du polo étaient bien différentes dans les années 1970.

L’héritage des jeux à l’ancienne plombe TCFBTG, et ça se voit. Pour créer un personnage, le choix d’archétype est maigre (cinq seulement, mais on les associe à des origines différentes). On vous propose ensuite, pour définir le personnage, de le décrire dans un grand luxe de détails : qu’est-ce qu’il aime, sa description physique, son passé ultradétaillé… et ce, pour deux versions de lui-même puisqu’il doit exister au 19e siècle et dans les années 1970. D’ailleurs, cet aspect n’a pas d’intérêt particulier ni d’application claire : c’est un gimmick que les règles n’exploitent pas de manière mécanique. Il faudra s’en satisfaire (à moins que le passage qui en parle ne soit caché au milieu de ce texte laborieux : après avoir lu en détail au début, j’ai fini par survoler beaucoup sur la fin). On est très loin des personnages extrêmement clairs et typés des jeux les plus récents : la création de perso est particulièrement pénible et ne présente pas énormément de moments forts (le choix des quips étant le plus fun).

Bref… On a là un héritier des verbeux volumes du storyteller system : beaucoup (BEAUCOUP) de blabla pour présenter un système qui n’est pas à la hauteur de ses ambitions et que je trouve assez dépassé techniquement. Alors que les jeux OSR nous ont appris à dégraisser un système de manière efficace pour obtenir un condensé de fun, que les PbtA proposent de transposer les tics d’un style fictionnel sous forme de règles et que les jeux Fria Ligan inventent des mécanismes novateurs comme les effets de la peur, alors que tous les jeux proposent désormais des outils permettant de faciliter la cohésion d’un groupe de joueuses… On a ici un système plein de gimmicks mais sans réelle saveur ni cohésion, des descriptions qui tirent atrocement à la ligne et un jeu qui se dégonfle comme un soufflé abandonné depuis huit jours.
Au bout du compte, j’en viens à me demander si le sujet était si riche qu’il y paraissait.

J’ai trouvé LE jeu de fantasy fun que je voulais depuis si longtemps (Land of Eem), et j’ai bien cru que TCFBTG me ferait le même coup pour les jeux d’horreur… raté. Pas de bol, le jeu traîne encore les casseroles du monde des ténèbres, et n’a pas vraiment réussi à faire dans ces vieux pots une meilleure soupe que d’excellents jeux tels que Monster of the Week ou Sombre.

Eh ben merde alors, elles sont toutes pitites, mes fiancées. Toutes pitites pitites.

Il reste quelques trucs à exploiter à l’intérieur, et l’envie de faire mieux, plus simple, plus fun. Grosse déception ! On va chercher d’autres jeux d’horreur bien fichus, qui tentent des choses originales plutôt que ce gros volume verbeux et somme toute relativement creux.