Oui, bon, eh ben finalement on a regardé deux autres flimes, ce qui fait suite à ça, ça et ça.

The passenger

Alors voilà, nous (mon épouse et moi), on aime bien les films de chez Blumhouse (Paranormal Activity, Insidious, Sinister, etc.). Ce sont des films solides, avec un budget très réduit (en moyenne 7 millions de dollars) mais qui proposent des récits bien fichus, qui ne cherchent pas à révolutionner le genre et qui offrent pourtant souvent de belles relectures de certaines histoires traditionnelles vues au travers d’un prisme moderne (L’Homme invisible de 2020 étant un bel exemple du genre, que je vous recommande vivement). Bien souvent, ce sont des récits d’horreur pure, qui obéissent aux règles du genre, et donc à un modèle particulier. Mais dans le cas de certaines productions, c’est autre chose.

C’est le cas de The Passenger, une bonne intrigue tendue qui voit un jeune homme assez naïf et innocent embarqué de force dans la virée meurtrière de son collègue de travail qui pète les plombes. On est à mi-chemin entre le road movie malsain (et avec des roads super limitées puisque tout se passe dans la même ville) et Hitcher, le tout saupoudré d’un peu de psychologie de base, avec des persos au passé trouble que va peu à peu éclaircir le récit. C’est simple, c’est efficace, on ne s’ennuie jamais et les deux acteurs principaux font le show avec beaucoup d’élégance et d’intensité, d’autant qu’ils sont épaulés par une Liza Weil (Gilmore Girls) discrète mais parfaitement castée.
C’est tellement bien fichu, avec une intrigue propre d’où rien ne déborde, que ça ferait un chouette épisode d’anthologie si ça ne durait qu’une heure (mais peut-on couper des morceaux d’un film déjà court, 1h30 grand max, sans le dénaturer ?). Je ne sais pas, mais quand on compare le film à pas mal de machins boursouflés mais creux, y a pas à dire, ils savent y faire chez Blumhouse.

Soft & Quiet

On a eu beaucoup de mal à aller jusqu’au bout de ce film, et on a été déçus.

Beaucoup de mal parce que c’est absolument effroyable, insupportable. Assez furieusement réaliste, et filmé caméra au poing en un plan-séquence unique d’une heure trente. Un groupe de nanas se réunit dans une église. On s’attend à un club de lecture, jusqu’à ce que…

SPOILERS MAIS EST-CE QUE TU AS VRAIMENT ENVIE DE VOIR CE FILM ? MOI JE TE DIS NON

Jusqu’à ce que l’une d’entre elles dévoile sa tarte, où figure une croix gammée. Les nanas en question sont des néo-nazies/fascistes/racistes/monstres : sous ses apparences girly, leur réunion vise ni plus ni moins qu’à élaborer un plan d’action pour diffuser leurs idées nauséabondes. La longue conversation qu’elles ont donne le ton : c’est un condensé des discours les plus abjects que l’on puisse entendre aux USA (et maintenant chez nous…), et l’on apprend que l’une d’entre elles appartient au KKK, yay, c’est la fête.

S’ensuit une altercation avec une jeune femme asiatique et sa soeur, et après tout dérape. Si tu veux tout savoir sur le film, tu peux aller te renseigner ici et là, mais je ne te recommande vraiment pas son visionnage, particulièrement éprouvant. Les deux femmes victimes des néonazies subissent des tas de choses vraiment affreuses, et le point de vue adopté (caméra au poing) te met dans une position de spectatrice/spectateur passif, obligé d’assister à tout ça, et c’est très très très très très difficile à supporter. On ne voit pas une goutte de sang mais c’est absolument abominable.

Et le pire, c’est que le “payoff” final, qui survient dans les dix dernières secondes, est bien maigre. Ne t’attends pas à un film où on va te dire que les méchantes sont punies, que les gentilles s’en sortent envers et contre tout, qu’il y a une justice.

Et c’est précisément ce que veut faire le film. Quand il cache quelque chose (comme un certain récit pour enfants au début), c’est pour te surprendre ensuite (la fameuse tarte), et quand il montre (les dix dernières secondes), c’est aussi pour te donner à réfléchir sur l’issue possible de la situation. Tout ça, c’est subtil, c’est intelligent, c’est bien. Et s’il te laisse avec tes interrogations quand arrivent les crédits de fin, c’est pour te dire : non, tout ça n’est pas résolu, je ne vais pas te donner de justice parce que ces victimes- n’y ont pas droit, dans la réalité. C’est pas un message déconnant, c’est même un appel à l’action, à la prévention, et c’est une intention formidable que je ne peux qu’applaudir.

Mais il y a le milieu du film. Et là… eh ben c’est autre chose. Comme tout a lieu en temps réel (unique plan-séquence, caméra au poing, je rappelle), on assiste à tout. Il n’y a pas de répit à la montée d’angoisse, pas de moment où on nous autorise à détourner le regard, excepté, heureusement, un moment miséricordieux où la caméra cadre un peu à l’écart de l’horreur pour qu’on ne la subisse pas en pleine face (mais ça ne retire rien à l’horreur de la scène). Le procédé vise à insister sur la monstruosité stupéfiante des protagonistes (attends, attends, on va revenir sur ce mot !), mais s’attarde du même coup sur les sévices infligés à leurs victimes, et donne… eh ben quelque chose qui ressemble beaucoup à du torture porn et que toi, spectatrice ou spectateur, tu vas subir d’une façon malsaine, presque en complice de l’action. C’est très efficace (beaucoup de gens disent “on a envie de jeter des trucs sur la télé”), mais en même temps, c’est très déloyal : ce film te prend littéralement en otage (ce qui fait écho à la situation qu’il montre).

J’ai parlé de protagonistes plus haut. Qu’est-ce que c’est qu’un protagoniste ? C’est selon certaines définitions “le premier rôle” d’un récit. Mais c’est surtout “la personne à laquelle il arrive quelque chose” : le récit va changer le protagoniste. Et celui ou celle qui provoque ce changement, c’est l’antagoniste : en général, c’est un adversaire, mais il peut aussi s’agir d’un mentor, d’un étranger, etc. C’est celui ou celle par qui le changement arrive.

Ici, les protagonistes, ce sont ces femmes monstrueuses, et en particulier Emily, qui sont enferrées dans une rhétorique infecte. Elles croisent les antagonistes (leurs victimes), les événements affreux surviennent… mais le récit nous prive de ce qui devrait être (selon moi) sa nature profonde : montrer le changement opéré chez les protagonistes… qui n’ont fait que se radicaliser. On n’a ici aucune idée de remords, on voit certes ces femmes basculer vers “plus d’horreur”, mais leur trajectoire n’a pas changé depuis le début. Soft & Quiet est infiniment linéaire, dans la mesure où le récit n’offre aucune surprise : à partir du moment où on dégringole la pente, on sait qu’on va arriver tout en bas, rien de plus.

Et c’est ce “rien de plus” qui est choquant. Pas de justice, pas d’espoir, un récit qui offre un portrait abject mais trop commun, et qui se contente de souligner cette abjection, de l’imposer sans recours, d’en faire un spectacle. En n’offrant qu’une bouffée d’air fragile dix secondes avant la fin. Le film atteint son objectif choc : on ne ressort pas indemne de son visionnage. Mais il recourt à des procédés malsains, qui passeraient peut-être dans le cas d’un film d’horreur pur (le recours au surnaturel, au WTF ou au “too much” désamorçant souvent la tension dans ces oeuvres et permettant de bénéficier d’un recul), mais qui tiennent du voyeurisme dans ce cas.

Bref, je ne doute pas des intentions de la réalisatrice, mais je doute de l’efficacité de la méthode, sachant que si on coupait quelques passages ici et là, le film serait un vrai rêve de nazi. Je ne sais pas quoi en penser. Je ne sais pas si le film est utile, s’il peut réellement réveiller quelqu’un (j’en doute) ou si au contraire il jette un peu d’essence sur un feu qui n’en avait pas besoin…

Je vous déconseille le visionnage si vous êtes sensible à ces sujets : c’est vraiment VRAIMENT difficile à regarder (n’oubliez pas que ça se passe en temps réel : c’est un aspect que soulignent beaucoup de critiques et je me disais que c’était juste un gimmick, mais ça rend l’action insoutenable, réellement) et très frustrant. Si en plus vous avez subi des violences racistes, homophobes ou autres, c’est triggerisant à mort.

Ouais, je sais pas quoi en faire, de ce film. Clairement, il m’a marqué, mais si j’avais le choix, je reviendrais volontiers en arrière pour que quelqu’un me le raconte et m’évite de le voir. Du coup… Bah je vais le faire rapidos pour que t’aies une idée.

Méga-spoiler qui raconte l’histoire pour que tu n’aies pas à la subir

Donc voilà, Emily est une institutrice blanche qui réunit ses copines un peu néonazies (une nana qui sort de taule et a été “prise sous l’aile” de certaines personnes qui lui ont appris à penser comme une raciste, une autre qui estime qu’elle aurait dû avoir une promotion mais que sa collègue la lui a raflée à cause de sa couleur, une autre qui appartient au KKK… bouf, je fatigue : c’est toutes des saloperies, voilà) dans une église pour décider comment diffuser leurs idées de merde. Le pasteur local les vire au bout d’un (long) moment en comprenant de quoi elles parlent. Les nanas se barrent, font un salut nazi pour rigoler (vraiment) et décident de picoler ensemble.

Dans la supérette de l’une d’entre elles, au moment où elles prennent du vin et de quoi grignoter, arrivent deux jeunes femmes asiatiques qui veulent acheter une bouteille de vin. Les néonazies leur disent que le magasin est fermé, mais les jeunes femmes insistent pour acheter UNE bouteille, ne cédant pas devant la pression de ces affreuses saloperies. Une des néonazies identifie l’une des femmes : il s’agit manifestement d’une femme qui a été violée par le frère d’Emily (on sait qu’il est en taule, maintenant on sait pourquoi). Les deux jeunes femmes réussissent à se barrer (non sans avoir été menacée par une des saloperies, celle qui tient la supérette et qui possède un flingue). Mais les néonazies se sentent insultées et veulent aller “faire une blague” au domicile des jeunes femmes (on apprend qu’en réalité, Emily les stalke). Elles y vont accompagnées du mari d’Emily, que cette dernière traite comme le dernier des chiens parce qu’ils n’arrivent pas à avoir d’enfant (remettant en cause sa virilité avec un vocabulaire dont je n’userai pas ici).

Sur place, les néonazies foutent la merde chez les jeunes femmes (je crois que la plus âgée s’appelle Anna, sorry, je n’ai pas retenu les noms, comme souvent : mettons que c’est Anna) pendant que le mari d’EMily fait le guet. mais Anna et sa soeur reviennent chez elles. Les néonazies paniquent, et les prennent littéralement en otages. Les voyant péter les plombs, le mari d’Emily se barre. La plus jeune des néonazies, celle qui sort de taule, décide qu’il faut intimider Anna et sa soeur “pour qu’elles ne parlent pas”. S’ensuit une scène de torture avec ingestion forcée d’alcool et de mélange de noix diverses. Or, la soeur d’Anna est allergique. Elle meurt d’un choc anaphylactique. La taularde à la con décide donc, sur l’instigation d’Emily, d’éliminer Anna qui est témoin. Ce qu’elle fait en l’étouffant (yay), puis elle se sert d’une carotte pour simuler un viol afin qu’on ne puisse pas s’imaginer que ce sont des femmes qui ont fait tout ça (alors oui, les néonazies sont complètement cons, et en pleine panique, ce qui n’arrange rien). Elles finissent par aller jeter les cadavres d’Anna et de sa soeur à l’eau. Pendant tout ça, on a vu que les néonazies se bouffent vite le nez dès que ça part en merde, qu’elles se gueulent dessus, qu’elles sont ignobles… mais bon, elles sont parties pour s’en sortir, au point que l’une d’entre elles a même filmé la scène de torture de la soeur d’Anna.

Une fois que les corps d’Anna et de sa soeur ont sombré sous l’eau, on voit Anna remonter et nager : elle n’était pas morte. C’est le seul et unique point “lumineux” du film : Anna a survécu. Si vous êtes super optimiste comme moi, vous la voyez bien se servir de son téléphone (dont se sont servie les saloperies) comme preuve, puisqu’elles ont tout filmé, et vous espérez une condamnation et tout et tout… mais tout ce que vous aurez, ce sont les crédits de fin.

Voilà. Donc euh, là je vous passe les très longs sévices infligés en temps réel, mais si ça peut vous éviter de les subir, eh ben on n’aura pas subi ce visionnage pour rien.