Cinéclub de Noël, round 2

Je le disais dans mon précédent post, la fin d’année représente une occasion idéale pour se goinfrer de flimes, et les meilleurs flimes sont les flimes bien craspecs, les trucs d’horreur dégoulnasses qu’on regarde sous la couette en frissonnant et en mangeant des pancakes. En voici 3,5 autres, qu’on a pu apprécier pour diverses raisons !

Premier flime : Wrong Turn 2

Alias “Détour mortel 2” en français, bon ben c’est de la traduction de titre correcte, on va pas couiner, contrairement aux victimes des ploucs mutants qui sévissent dans ce second opus de la série Wrong Turn, qui avait commencé avec un premier film tout à fait respectable. Le principe : des gens normaux (donc assez vigoureusement cons, comme toujours dans les films d’horreur de ce genre) se perdent dans une région isolée des zétazinis et y rencontrent une famille de… ben d’espèce de ploucs consanguins mutants façon La Colline a des yeux : cannibales, meurtriers, assez peu fréquentables. S’ensuit un massacre assez systématique des représentants de la tribu urbaine par les sauvages, qui les traquent comme du gibier. C’est assez gore, il y a de la tripe et de la dégustation de gens, bref, l’idéal pour digérer.

Le 2e film de la série conserve le tout, mais y ajoute un ingrédient assez savoureux : les victimes sont cette fois les participants d’un jeu télévisé du style Koh-Lanta, censés survivre en équipe dans la forêt, laquelle a été abondamment équipée en caméras et dispositifs divers, qu’on oublie très rapidement, parce que l’action ne traîne pas et tout le monde se fait bouffer. C’est du slasher/survivalist/hillbilly horror réussi, avec un bon second degré qui rend plus supportable les scènes de boucherie grâce à un humour noir assez redoutable. De bons protagonistes, avec un bon équilibre entre “j’ai envie qu’ils meurent vite” et “ah merde, le pauvre, prendre un XXXXXXX dans le XXXXXX alors qu’on était en train de XXXXXX c’est quand même rigolo pour personne”. Hautement regardable entre copains et copines, encore une fois avec une bonne pizza (ou un bon bol de ramen pour ajouter des bruits d’aspiration dégoûtant à ceux des boyaux qui se dévident). Ca reste assez gore, donc quand même pas recommandable si vous y êtes sensibles.

Deuxième flime : The Hallow

Zgönk (j’ai oublié son nom, en vrai) et Claire emménagent dans une maison au fond d’un bois destiné à être vendu et rasé, et ils ont oublié leur shampooing. Non mais Hallow, quoi !

Attention, je vais spoiler une grande partie du film.

Alors en fait, ce film est TRES intéressant, mais pas pour les raisons espérées par son réal et son scénariste, j’imagine. Le principe : la forêt, irlandaise, est infestée de ces cochonneries de forces du mal qui font rien qu’à vous emmerder dès que vous faites un truc familial genre emménager quelque part. Ca se manifeste sous forme fongique, et ensuite viennent des espèces de bestioles dégoûtantes, mélange entre fées maléfiques et infestés de The Last of us. Ca, ça fonctionne. Le couple a un petit bébé, que les créatures veulent prendre, évidemment, et là intervient le thème du Changelin, vraiment pas mal foutu et bien illustré visuellement. Les effets spéciaux fonctionnent bien, la réal est nerveuse et efficace… bref, ça devrait marcher.

Et en fait pas.

Tout simplement parce que l’histoire, ce n’est QUE ça. Zgönk et Claire essaient d’échapper aux “fées” de la forêt (un voisin essaie bien de les avertir, mais comme Zgönk est con comme un balai, il n’écoute pas et se retrouve bien bien dans la merde). C’est tout. Il n’y a strictement rien d’autre (excepté un vague message “touchez pas aux forêts hantées par des créatures fongiques meurtrières”, bien appuyé par une scène finale qui rate complètement le coche en préférant l’effet jump-scare à la subtilité : il y a notamment un petit bruit de propagation végétale qui aurait suffi à faire passer le message si le réal s’était contenté de ça pendant les crédits de fin, plutôt que de nous infliger… ben ce truc débile : je vous l’ai à moitié spoilé mais ça va pas vous traumatiser).

L’histoire se limite à ça : c’est des gens qui survivent. Qui sont ces gens ? Ben Zgönk est un scientifique qui écume la forêt pour récupérer des échantillons de… de truc de la forêt, quoi. Il fait ça en free-style, sans gants, avec son bébé sur le dos, décontracté du zboub même quand il fouille un vieux cadavre craspouac avec bébé juste à côté. Il laisse son épouse subir les engueulades du voisin susnommé, promet qu’il ira parler avec lui et ne le fait pas. Ensuite, il se contente de lui hurler les trucs traditionnels des films d’horreur : “Reste ici !” “Cache-toi dans le machin !” “Cours !” “Amène-moi la télécommande, je veux regarder Arte !”

Sans jamais rien lui expliquer. Mais rien, hein. Il laisse aussi traîner ses vieux échantillons moisis n’importe où, fait littéralement comme si elle n’existait pas, etc. Claire, elle, égoutte des nouilles (true story), s’occupe de son baybay, plonge dans l’eau froide pour cherchay son baybay volé par ces cochonneries de forces du mal, récupère son baybay mais ne vérifie JAMAIS s’il va bien, laisse Zgönk enfermer son baybay dans un vieux placard tout pourri où les fées pourront le chercher sans problème, et se comporte généralement comme une potiche pourvue d’une petite poignée de neurones.

Qu’est-ce qu’elle fait dans la vie ? Quelle est la nature de son rapport avec Zgönk (non, “ils sont mariés”, c’est pas une relation c’est un état civil), a-t-elle des envies, des hobbies (à part les nouilles), des idées (à part “il faut protégeay mon baybay car je suis sa mayre”) ? Eh ben on ne le saura jamais. Zgönk, pareil : il aime trouver des choses dégoûtantes dans les bois et regarder des organismes improbables foutre la merde façon The Thing avec son microscope, mais à part ça, mystère. C’est aussi un père de merde, qui fait constamment prendre des risques inouïs à son gosse, mais se révèle idéal en le sauvant quand même, parce qu’il faut pas exagérer, c’est quand même un mec, un vrai, un tatoué.

Non seulement les personnages sont des caricatures d’eux-mêmes (la mère définie uniquement par son instinct de protection, le père curieux et scientifique qui n’en a un peu rien à foutre des incitations de sa femme à ne pas ramener des cochonneries de forces du mal à la maison, mais au bout du compte très viril et protecteur lui aussi), ce qui les rend furieusement pas sympathiques, mais en plus, ils n’existent littéralement pas en dehors de l’intrigue (faut échapper aux cochonneries d’forces du mal). Ils ne font rien, ne disent rien qui puisse définir la vie que perturbe le drame, ou le conflit qu’il pourrait venir souligner, voire résoudre. Et là, le film se foire magistralement, parce qu’on n’en a strictement rien à foutre que Zgönk se fasse bouffer ou que Claire retourne jouer la mère-zombie une fois qu’elle aura récupéré Zgönk Junior : au bout du compte, le gosse aurait été mieux chez les fées, qui doivent faire une omelette aux champignons à tomber, en plus, si ça se trouve.

Bref, c’est assez stupéfiant de voir un scénario de film d’horreur passer à côté de la règle : la situation horrifique n’est qu’un prétexte (ou un contexte) permettant d’examiner les rapports humains, et généralement la cellule familiale telle qu’on la conçoit à l’époque de la réalisation du film. L’horreur n’a pas de sens si elle arrive à des personnage creux, voire à ces absences de personnages que sont Papa et Maman cherchant à sauver Bébé. Je suis stupéfait que ce soit passé. Si vous vous intéressez au fonctionnement de la narration d’horreur, je ne peux que vous recommander l’excellent jeu Vaesen, paru en VF chez Arkhane Asylum et traduit par votre serviteur : il comprend un passage permettant de créer une bonne intrigue d’horreur, et vous explique que dans le cadre d’un scénario standard de Vaesen (coup de bol, The Hallow est très exactement un scénario de Vaesen : la civilisation empiète sur la nature et courrouce des êtres féeriques), il y a toujours deux conflits, celui entre l’homme et les fées, mais aussi celui qui agite les hommes entre eux… Bref, un flime intéressant, mais pas parce qu’il était bon…

Flime numéro trois : One cut of the dead

Attention, petit chef-d’oeuvre ! On m’avait plusieurs fois conseillé ce film de zombies japonais en me vantant son ingéniosité, et nous avions tenté de le regarder une fois avec mon épouse… Au bout de dix minutes, nous ne comprenions pas où allait le film, et nous avions laissé tomber.

Mais il n’était pas question de passer à côté du truc, d’autant qu’on nous avait expliqué que la vraie satisfaction venait à la fin. Alors voilà : c’est vrai. Il y a un truc essentiel à savoir (sans spoiler, parce qu’il ne FAUT PAS que vous sachiez ce qui va se passer) concernant ce film : le début peut vous paraître planplan… ou plutôt “plan”, parce qu’il est réalisé en un seul plan-séquence unique, un tour de force cinématographique qui va vous sauter aux yeux, mais vous vous direz peut-être comme moi “OK, c’est ça l’ingéniosité du film ? Bon ben ça casse pas trois pattes à un canard…” Et en fait non.

J’ai un conseil : allez jusqu’au bout. Vous allez voir un truc au début, puis vous allez être un peu surpris en deuxième partie de film, et à la troisième partie vous allez pousser des cris, rivé à votre écran, et si jamais vous regardez avec des ami·e·s, vous allez échanger des idées et des opinions. C’est pas un truc qui va changer votre vision de la vie, c’est pas un film tellement émouvant que le Tombeau des lucioles à côté c’est un dessin animé de Mickey, c’est juste un tout petit truc absolument formidable, et si vous aimez le ciné, et a fortiori les petits machins amateurs et les séries B, vous allez kiffer grave. C’est plein d’une sorte de malice jubilatoire, avec des personnages excellents, parfaitement caractérisés en quelques phrases, tout le contraire de The Hallow, qui peut venir prendre des leçons d’écriture ici. Pom !

Quatrième flime : Trick’r Treat

Alors en fait j’ai vu que la moitié et je me suis endormi. MAIS… c’était une foutrement bonne moitié. Trick’r Treat est un film racontant de petites histoires d’horreur façon EC Comics dont les personnages se croisent et s’entremêlent lors de la soirée d’Halloween. C’est fun, c’est sale sans être trop gore, et il y a quelque chose de très satisfaisant à voir se télescoper les différentes histoires dans le récit principal, ponctué par l’apparition du petit gosse chelou. Mais bon, on avait eu une grosse journée, et si ça se trouve la deuxième moitié du film est toute pourrite… et… ben on s’en fout, y avait des vampires, des loups-garous, des morts-vivants, des slashers et des légendes urbaines, tout ça en même pas une heure… Bref, je vous dirai ce que je pense de la fin dans un prochain post !

Revue de ciné de nowouell

Bon, ben c’est les vacances, et on a vu des flimes. Et pour une fois, presque que des bons. Très très vite, voilà ce que je vous recommande vigoureusement. La mise en page de cet article sera toute pourrie parce que j’ai la flemme.

Premier flime : Tucker et Dale fightent le mal

Alors ça, on l’avait déjà vu, et comme les meilleures comédies, ce film se laisse revoir avec beaucoup de plaisir, voire davantage de plaisir chaque fois. Deux sympathiques ploucs partent passer des vacances peinardes dans leur “cabane au bord du lac”, une vieille bicoque qui foutrait les miquettes à Jason Vorhees, et tombent sur un groupe d’étudiants et étudiantes particulièrement cons. Un accident survient, et… c’est un enchaînement de trucs horribles et hilarant, les étudiants prenant les deux pauvres Tucker et Dale pour des serial killers des bois façon Délivrance.

C’est fun, bourré de trucs gore, somptueusement joué par des acteurs principaux aux petits oignons, et le duo Tucker/Dale est juste parfait. Le titre français est une belle réussite : c’est ce qu’on fait de mieux selon moi en terme de traduction (eh ouais, même s’il y a un mot anglais… il est délicieusement utilisé ici !). Je vous le recommande, et c’est un film idéal pour une soirée pizza, en plus…

Deuxième flime : Jug Face

Comme on est en pleine période “folk horror” (y a qu’à lire l’excellent article écrit par ma chère et tendre sur le sujet en jeu de rôle), on se fait les plus intéressants représentants du genre, et on ne pouvait pas passer à côté de Jug Face. Une communauté de ploucs aux pratiques cultuelles vraiment curieuses, une histoire particulièrement zarbi et très très malaisante (bicoze inceste et tout et tout), un film extrêmement bien fichu, avec une séquence d’intro géniale et des acteurs au taquet… Le tout affreusement pessimiste, mais où perce toujours quelque chose de profondément humain. Attention, faut avoir le coeur bien accroché quand même, mais si vous êtes prêt à ça, c’est absolument excellent. Note rôlistique : le contexte général, bien que moderne, aurait tout à fait sa place dans un scénario de Dungeon Crawl Classics se déroulant dans la région des Tremblemonts (dans la boîte du Cercueil Enchaîné, qui sortira sous peu).

Troisième flime : Sisu, de l’or et du sang

C’est un petit peu mon chouchou. En moins d’une heure trente, c’est une histoire de vengeance contre des nazis, et ça charcle vigoureusement. C’est somptueusement bien filmé, avec une image de ouf, et c’est en réalité un bon vieux western avec scènes d’action over the top (vraiment vraiment), avec ce côté premier degré qui rendait les séries B si savoureuses à une époque. Un prospecteur trouve un filon d’or à la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais des nazis traînent dans le coin… C’est violent (ben oui, encore une fois) mais complètement jouissif, c’est encore un film pizza juste PARFAIT, et c’est une fucking pépite dont je n’avais pas entendu parler jusqu’ici. Si tu aimes l’action délirante avec des gens qui s’accrochent aux avions ou qui survivent à des rafales de mitrailleuse, il faut que tu le voies, tu vas vraiment passer un excellent moment.

Satan’s Skin alias Blood on satan’s claw, alias “La nuit des maléfices” en français (tout le monde ne réussit pas aussi bien que les gens qui ont traduit Tucker & Dale vs. evil)

Un des films fondateurs de la vague folk horror (avec The Witchfinder General et The Wicker Man), datant de 1971, et absolument délirant. L’histoire progresse par elipses, au point qu’il faut vraiment s’accrocher pour capter, les choses sont parfois trop montrées (une scène de viol éprouvante bien trop longue, un plan boobs tout à fait charmant mais qui n’a strictement aucun intérêt dans l’histoire, certains jeux de regards qui durent huit heures, ou au moins dix secondes de trop), parfois pas assez (la vieille bestiole dégueulasse… mais c’est bien, c’est TRES bien qu’on ne la voie pas). La nature d’origine du film, destiné à être anthologie, lui donne une structure complètement bizarre : il n’y a pas de vrai protagoniste, on passe d’une saynète à une autre, on ne comprend pas bien ce qui se passe entre la scène A et la scène B… Mais le film est fascinant, cruel et souvent malaisant, avec un côté très nihiliste même si à la fin… bref, je vous raconte pas. Il faut être prêt à passer sur des défauts flagrants, mais le récit présente une particularité géniale : rien n’est expliqué. Dans cette histoire de sorcellerie, il manque énormément d’éléments pour comprendre le pourquoi, le comment, et même le qui.

Cinquième flime : Infinity Pool

Grosse grosse surprise que ce film qui renvoie de gros échos d’Unknown Armies. Des gens blindés de thunes (ou pas tout à fait) passent de chouettes vacances sur une île paradisiaque (pour eux parce que la population de l’île, elle, n’a pas l’air de trop trop profiter de la vie), mais un accident bouleverse le séjour et dévoile le secret délirant de l’endroit. C’est ultra malaisant (avec encore une fois des scènes psychédéliques et érotiques parfois bien trop longues, même si le côté softporn fait vraiment partie de l’intrigue, pour le coup), et surtout ça pose des tas de questions (ça vaut le coup ensuite d’aller faire le tour des sites qui cherchent à élucider certains mystères du film). Les acteurs sont encore une fois excellents, c’est bien filmé, avec un petit plus : une atmosphère musicale qui souligne le caractère très flippant du film. C’est encore assez dur à regarder, avec des choses vraiment affreuses à l’écran. Je ne connaissais Mia Goth que de nom, mais elle est complètement flippante dans tout le film, dès le début. La malaisance totale, mais un vrai bon film après lequel on est obligé de discuter entre spectateurs, ce qui est plutôt bon signe à mon avis !

Voilà, donc que des films de noël, comme vous l’avez compris en lisant “gore” et “boobs” toutes les deux lignes. Mais honnêtement, bonne pioche. On a aussi commencé “Wrong Turn 2” hier (le premier était très très bon et foutait bien les miquettes), mais on s’est un peu endormis au milieu, alors que le film est vraiment excellent dans le genre slasher semi-parodique. La suite ce soir si on s’endort pas comme des poules !

Conseil pour MJ – Laissez tomber les tests de Perception

Je sais que c’est loin d’être facile. Le fameux « jet de Perception » (ou d’Observation, ou de « Trouver machin essentiel pour le scénario ») fait partie, depuis toujours (ou pas) des scénarios de jeu de rôle.

Mais après avoir lu un petit machin sur le sujet, j’ai décidé de le laisser complètement tomber.

À quoi me servait le jet de Perception

J’avait l’impression que le jet de Perception me permettait d’introduire quelque chose d’intéressant dans mes parties : une possibilité supplémentaire, un embranchement, un « si… si ».

Le « si… si », c’est ce moment où tu te dis : si les joueuses font tel truc, tel événement se produit, mais si elles font tel autre truc, tel événement différent se produit. C’est pas mal, le si… si (à condition d’éviter le bluff bien moisi du troll quantique) : deux issues différentes pour la partie. Au bout du compte, tout jet de dés débouche sur un si… si, et c’est bien…

À condition que les deux issues du jet soient intéressantes.

Et s’ils ne trouvent pas l’indice ?

Supposons qu’on ait un scénario « à indice ». Les PJ doivent trouver le scarabée d’or pour déverrouiller la crypte secrète et accéder au temple des adorateurs de Baygon.

Et s’ils ne le trouvent pas ?

Eh ben… on n’a qu’à dire qu’un PNJ le leur rapporte. Ou alors qu’ils essaient encore. Ou qu’un autre indice les y mène et…

Mais sérieusement, est-ce que c’est pas un peu du remplissage ?

La solution moderne au jet de Perception raté

Beaucoup de jeux modernes (je pense à Tales from the Loop ou aux dernières versions de l’Appel de Cthulhu) ont décidé de contourner le problème en vous disant : le test ne sert pas à déterminer si les personnages trouvent l’indice, mais s’ils le trouvent sans problème.

C’est-à-dire que s’ils le loupent, eh bien il y a un « oui, mais » : vous trouvez l’indice MAIS vous avez mis du temps, vos adversaires sont à la porte. Vous trouvez l’indice MAIS vous renversez la vitrine : on saura que vous êtes venus fouiner. Vous trouvez l’indice MAIS vous le cassez et il va falloir le rafistoler.

Vous avez compris le truc. Et honnêtement… c’est pas mal. Ca introduit un risque, une tension. Et on ne risque pas que les joueuses loupent le truc essentiel. Maintenant… ça ne sert pas à trouver un truc. Ca sert à soumettre la découverte du truc à une possible tension.

Pas de test…

Récemment, j’ai essayé une autre méthode, soufflée par la muse OSR. Dans l’OSR, on préconise d’éviter les jets de Perception : le MJ décrit une pièce, par exemple, et il sait que la porte secrète se trouve derrière la tête de lit de la chambre. Il ne demande aucun test, mais si les joueuses disent « on fouille derrière le lit », il leur annonce qu’elles ont trouvé la porte.

Simple, efficace et rigolo. Corollaire : on ne peut pas accepter que les joueuses disent « on fouille partout » (Ou alors, on répond : « vous trouvez une chambre », et on fuit sous les cailloux pointus en se protégeant la tête avec le paravent). Ca demande un petit effort… des deux côtés dudit paravent.

Mais le principe de base est simple : si les joueuses cherchent, elles trouvent à tous les coups.

Un effort de meujeutage

Ben oui. Quand la découverte d’un indice dépend d’un jet de dés, c’est un simple « si… si ». Si les joueuses réussissent le test, elles trouvent l’indice, que celui-ci soit caché sous le lit, au plafond ou à l’intérieur de l’abat-jour.

Si l’indice est caché quelque part, il faut décrire ce quelque part, et surtout insérer cette description dans un ensemble, c’est-à-dire dans la description du reste de l’environnement. « Vous êtes dans une chambre à coucher qui comprend un lit calé contre le mur, une petite table de nuit et un tapis représentant un acrobate qui fait un triple salto. Un petit bougeoir est posé sur la table de nuit. »

Voilà voilà. C’est mieux que : « vous êtes dans une chambre ordinaire de 4 m sur 3. Faites un test de Perception. » (Je grossis le trait, hein, mais vous avez compris.)

N’oubliez pas que vous pouvez aussi vous servir des PNJ. Si l’indice est caché dans le tiroir de la commode, vous pouvez annoncer : “quand vous entrez et commencez à examiner les lieux, le baron se poste devant la commode, droit comme un i.” Il cache quelque chose, ce gars-là ! (Et c’est beaucoup plus rigolo de le dire immédiatement que de demander : “faites un jet de PER”, de voir que les joueuses le loupent et de ranger dans votre poche l’interaction avec le baron…).

La méthode nécessite un effort de la part du MJ. En fait, elle est tout sauf confortable : non seulement on ne se repose plus sur la tension générée par le jet de dés (ce qui était bien pratique pour faire passer quelques secondes de jeu), mais en plus il faut se fendre d’une description détaillée…

C’est comme ça qu’faut faire

… et… Ben c’est plutôt ça, le jeu de rôle. C’est plutôt décrire et réagir aux actions des joueuses, non ?

Et puis… il y a autre chose, en fait, et ça, je l’ai découvert en jouant (et aucun article ne m’en aurait convaincu : par conséquent, il y a fort à parier que celui-ci ne vous persuadera pas du bien-fondé de la méthode, aussi je vous recommande de l’essayer par vous-mêmes).

En fait, ça permet de se concentrer sur l’essentiel. Enfin, ce que je trouve essentiel. C’est-à-dire ce que font les joueuses. Vous connaissez certainement le conseil : soyez fans des PJ de vos joueuses. C’est un truc que j’applique à fond en ce moment. Or, si je demande aux joueuses un test de Perception, si elle ratent l’indice et si je les vois patauger dans le vide pour trouver la foutue porte derrière le lit pendant des plombes alors que j’ai envie de les voir affronter Salopiax le Grand Prêtre…

Ben c’est vraiment pas super fun. Et ce n’est pas dans ce contexte que la partie devient amusante.

Dans un film, par exemple, ce qui suscite notre intérêt, c’est ce que les personnages FONT. Ce qu’ils FONT de la situation, mais aussi des éléments dont ils disposent. Et plus ils en ont, plus c’est intéressant.

Mon expérience à moi que j’ai

J’ai donc testé la méthode : les PJ trouvent tout à condition de chercher au bon endroit.

— On palpe les murs.

— Où ça ?

— On commence par le mur sud. On longe.

— C’est froid. Arrivée au lit, tu sens un petit creux sous tes doigts.

— Je le suis du doigt.

— Ca forme un grand rectangle derrière la tête de lit. De la taille d’une porte.

— Je pousse.

— Tu regrettes d’avoir mangé ce « chili mystère » chez les halfelins la veille, mais tu sens que ça bouge.

— Je pousse un peu plus à droite.

— Ca pivote. C’est une porte secrète.

Je fais comme ça tout le temps. Parce que je me suis rendu compte d’un truc : le fait de louper un indice n’a jamais amélioré une partie de JDR pour moi, de quelque côté du paravent que je me trouve (en fait, en tant que MJ… ben c’est la purge : les joueuses loupent le truc essentiel et partent sur TOUTES les fausses pistes possibles).

Vous avez vu : c’est rigolo de procéder étape par étape, de faire découvrir. On a un dialogue ludique, qui révèle des choses peu à peu, et tout ça sans jet de dé.

Oh, ça m’arrive encore de lâcher un petit jet de Perception ici et là. Mais… de moins en moins, en fait.

Y a pas que les indices dans la vie

Il existe énormément de situations où le jet de Perception est devenu la norme… alors qu’il n’a aucun intérêt : un piège attend les PJ, une embuscade, les émotions d’un PNJ, quelqu’un tente de se faufiler…

Tout ceci peut être résolu par un jet de Perception… mais aussi par un dialogue sympa.

* Un piège : décrivez les environs du piège, et en particulier ses dernières victimes. Un cadavre effondré à terre et présentant de grosses plaies, aux côtes, de part et d’autre (des pieux jaillissent horizontalement du mur). Par terre, les pierres ont une couleur différente. De l’eau tombe du plafond (ça c’est juste pour brouiller les pistes, parce que quand même, ça ne fait pas de mal d’emmerder les joueuses de temps à autre !).

C’est bien plus amusant de voir les PJ trouver le moyen de désamorcer ou de contourner le piège que de dire : faites un test et c’est réussi ou non.

* Embuscade : ça marche comme un piège. Si au moins un des PJ déclare qu’il avance de façon vigilante, il repère un détail qui sort de l’ordinaire. Oh, et puis merde : à proximité de l’embuscade, même les autres (ceux qui y vont en sifflotant) repèrent un truc louche : plus de chants d’oiseaux. Les brigands en embuscade se sont planqués précipitamment, mais ils ont bien piétiné sur place avant : il y a des traces par terre.

Enfin bref, vous avez compris. Et quand l’embuscade survient, c’est là qu’on fait un jet : réflexes, pour savoir qui a l’initiative. Les PJ qui ont compris et ont déclaré qu’ils étaient à l’affût désormais remportent automatiquement le jet et agissent en premier.

* Indice à découvrir : les PJ le trouvent. Point barre. Tentez le coup, et je vous recommande même d’essayer, par exemple, avec un scénar où les indices sont soumis à des tests de Perception. Chaque fois, partez du principe que le premier PJ à fouiller pas loin de l’indice le découvre automatiquement. Tentez vraiment le coup. Vous allez être surpris de la fluidité que vous allez gagner dans la partie, et surtout de l’effervescence que ça va provoquer à la table : si le jet de PER est raté, il ne se passe RIEN. Donc autant faire comme s’il réussissait à tous les coups.

* Déceler des émotions : le jet de PER ou de Psychologie traditionnel. Le PNJ fait une tête toute chelou et ça veut dire quelque chose. Bon, la description des expressions du visage, c’est compliqué. Vous aurez beau parler de froncements de sourcils, de front plissé ou de moue… Ca risque d’être difficile à interpréter. Autant y aller à fond : « elle répond oui, mais avec un regard fuyant. » Bon, ben vous savez qu’elle ment ou cache quelque chose. « Je vous jure que j’aime cette femme, dit-il sans la regarder. Quand il croit que vous ne le voyez pas, il jette un coup d’œil furtif vers la comtesse. » Bon, ben le mec, il en pince pour la comtesse, en fait.

Vous savez quoi ? Fuck la subtilité. Vous avez déjà regardé une série télé policière ? Quand il y a un truc très utile, la caméra fait un GROS PLAN dessus à un moment, histoire de vous dire : hé, les spectateurs, c’est ça l’indice ! Qu’est-ce qui vous empêche de le faire en JDR ? Et qu’est-ce qu’il y connaît, aux gonzesse, Rick Hunter ?

Rien.

Donc euh, où j’en étais ?

Y a des exceptions ?

Est-ce que vous avez envie qu’il y en ait ? Ben si oui, alors y en a. Moi, je vais continuer comme ça à présent.

Et sinon, la Perception, ça sert plus à rien ?

Ah ben si. Un petit jet de PER réussi pour examiner le mécanisme de l’arme de l’ennemi permet de savoir comment l’utiliser. Un petit jet de PER pour comprendre les règles de l’étiquette de cette culture étrangère et étrange vous donne un avantage aux jets de dés quand vous essayez de plaider votre cause devant ce tribunal qui vous accuse d’avoir gorzifluté des chtofmols (ce qui est manifestement un crime puni de salaison dans le secteur). Bref, ça sert à obtenir quelque chose EN PLUS. Pas quelque chose d’indispensable au déroulement du scénario. Par exemple, si les joueuses me disent : “on aimerait bien trouver une arme improvisée ici”, au lieu de faire un “jet de chance”, je peux leur demander un test de Perception.

Et puis vous allez bien trouver d’autres trucs, je vous fais confiance.

Conclusance

Ce matin encore je traduisais cette phrase : « Le chemin qui descend à la citerne ne saute pas aux yeux, il faut réussir un test d’Observation pour le repérer (à moins que les PJ ne tombent dessus par hasard). » Quand je vais le jouer, j’attendrai simplement ce que font les joueuses. Si elles me disent « On fouille de ce côté-ci », je leur répondrai « vous repérez un chemin un peu caché. » Si elles ne disent rien, je dirai : « en vous promenant dans le coin, vous glissez et vous vous rendez compte qu’il y a là une sorte de chemin dérobé ». Et hop, un test d’Observation économisé !

Aller à l’essentiel :

Tentez le coup dans une de vos parties, juste pour voir.

* Quand il y a un indice, les joueuses le trouvent sans jet de dés.

* La recherche d’un indice peut se faire de façon graduelle, par une suite de descriptions.

* Pour qu’elles sachent où chercher, il faut décrire correctement les lieux (dans une pièce, trois ou quatre éléments suffisent), ou même les gens et ce qu’ils font.

* Le test de Perception sert toujours à obtenir un bonus ou une information en plus de ce qui est nécessaire pour que le scénario avance.

Andor et contre tout

Des fois, les titres “jeux de mot”, c’est un win, et des fois c’est celui-là.

Bref, j’ai terminé le visionnage de la série Andor, sortie l’année dernière (et dont la prochaine saison devrait arriver en août 2024, mais après les bouleversements récents, on ne peut jurer de rien).

J’avais regardé le début quand elle était sortie, et je n’avais pas poussé jusqu’au bout même si je lui trouvais déjà d’énormes qualités :

  • une intrigue qui se concentre sur des personnages inédits à 100% (exception faite de Mon Mothma, mais vu le peu que l’on découvre d’elle ailleurs, on peut considérer que c’est ici que son personnage se dévoile pour la première fois ; et évidemment de Cassian Andor, un des protagonistes principaux de Rogue One ; d’autres interviennent par la suite) ;
  • pas d’utilisation de Volume, et donc pas de plan complètement artificiel (même si les scènes de rue me semblent encore un poil… artificielles, justement : difficile de les voir autrement que comme des décors) ;
  • une écriture maîtrisée, qui met l’accent sur le phénomène de résistance à l’Empire, tout en soulignant l’aspect malsain de ce dernier.

Je m’étais arrêté à l’épisode intitulé “La hache oublie” (une réplique formidable, prononcée par un personnage creusé, et dont on se souvient ensuite). J’imaginais que l’intrigue consisterait ensuite à suivre l’opération menée par Andor et ses complices contre l’Empire : les précédentes séries Star Wars m’avaient habitué à une intrigue étalée sur une saison, parfois à outrance (Kenobi et Boba Fett, oui, c’est de vous deux que je parle). Je n’avais plus de temps à consacrer à la série, mais je m’étais bien promis de la terminer quand j’en aurais l’occasion.

Récemment réconcilié avec les séries Star Wars grâce à Ahsoka, j’ai finalement pu regarder les six épisodes qui me manquaient. Ce sont les meilleurs, avec notamment un arc narratif carcéral que je ne peux qualifier que de magistral : tout le fonctionnement de l’Empire tient dans ces deux épisodes (ou trois ?) menés notamment par un Andy Serkis impeccable, parfaitement réalisés et conduisant à une conclusion extraordinaire.

J’ai adoré, et je me suis ensuite demandé pourquoi ça me plaisait tant.

Parce que je vais vous dire : Andor, ce n’est pas le Star Wars que j’aime. Mais alors pas du tout. Je trouve de belles qualités à Rogue One, dont il émane presque directement, mais c’est loin d’être mon film préféré dans cet univers : comme La Menace Fantôme (la comparaison fera sans doute grincer des dents mais je m’y tiens), j’aime en revoir des passages particuliers, mais j’ai du mal à mater le film entier d’un seul coup… Il y a dans les deux énormément de choses intéressantes par elles-mêmes, mais le mélange ne m’a jamais paru harmonieux ni réellement pertinent : tous ces aspects, une fois développés et examinés de près, sont fascinants (par exemple dans le roman Soulèvement rebelle, que j’ai traduit), mais on a l’impression qu’ils sont brassés au petit bonheur la chance et n’entrent jamais vraiment en synergie comme pouvaient le faire tous les éléments déconcertants (pour l’époque) du premier Star Wars.

Ce qui est amusant, c’est que ces deux films ont redéfini pas mal de choses et ont beaucoup apporté à la mythologie Star Wars, alors que ce qui leur manque à mes yeux, c’est justement l’aspect mythique. Expliquer la Force par la présence de midichloriens anéantit tout le mysticisme des Jedi, et éplucher la chronologie de l’obtention des plans de l’Etoile de la Mort (puisqu’il faut l’appeler ainsi désormais) n’était pas particulièrement nécessaire, si ce n’est pour rendre hommage à des personnages de l’ombre comme le commando dont Jyn Erso fait partie. Manque de bol, le film échoue (selon moi) à donner de l’épaisseur à ces personnages. C’est d’ailleurs dans ce domaine que la série Andor réussit beaucoup mieux.

On pourrait arguer du fait que sa durée (12 épisodes dont la durée varie d’une trentaine à une quarantaine de minutes si l’on retire le générique et les récaps) s’y prête davantage, et ce n’est sans doute pas faux. Des personnages comme Mon Mothma ou Vel nécessitent effectivement du temps pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Et c’est encore plus vrai pour Cassian Andor lui-même, personnage souvent quasi mutique, presque antipathique en début de série, et qui joue les antihéros d’un bout à l’autre. N’empêche, il est parfaitement campé par Diego Luna, et c’est par son regard de survivant forcené qu’on découvre tous les autres. Il semble parfois être le seul individu lucide au milieu de cette galerie de personnages que la situation rend fous d’une manière ou d’une autre, qu’il s’agisse de partir en roue libre porté par l’ambition, de se sacrifier entièrement pour une cause manifestement vouée à l’échec ou au contraire de la trahir par opportunisme ou par désespoir.

Et quel casting !

Chaque personnage est indispensable au déroulement du récit, mais aussi à l’une des thématiques de la série : la présentation des exactions de l’Empire, de son fonctionnement interne et de la façon pernicieuse dont il attire des individus persuadés d’être mus par une profonde fibre morale, au point de ne plus arriver à percevoir le caractère inhumain de leurs mobiles réels. De ce côté là, c’est impeccable de bout en bout.

La série brille aussi par son utilisation de l’univers Star Wars. Plutôt que de chercher à exploiter des motifs déjà présents dans d’autres récits de cet univers et à les expliciter (je pense à Kenobi qui semble n’avoir pour seul but que d’expliquer ce que dit le vieux Ben à Luke en lui affirmant que son père a été tué par Vador), elle saupoudre l’intrigue de quelques éléments connus (y compris dans son ultime scène post-générique) sans jouer la carte du fan-service à fond, et lorsqu’elle déploie des pans inédits de cet univers (la jeunesse d’Andor, ou un détail glaçant comme la méthode de torture de l’Empire), c’est sans s’y attarder lourdement, sans en faire son unique propos. Tout n’est qu’un décor pour le drame humain qu’est Andor : il pourrait aussi bien exister dans un autre univers, même s’il ressort particulièrement bien sur le fond qu’est celui de Star Wars.

Les dialogues sont exceptionnels (a fortiori pour un Star Wars, dont cet aspect n’est pas souvent le point fort), et lorsqu’un personnage prononce un discours, on peut s’attendre à du très très lourd, ou à des répliques qu’on n’oubliera jamais (“Everything !”, “one way out”). Pas de clin d’oeil toutefois (ou très peu), pas de longue randonnée sur des chemins maintes fois parcourus, juste un récit qui dérive souvent davantage vers la hard SF que vers le space opéra.

Bref, une série absolument indispensable… même si on n’aime pas Star Wars.

Elle m’a permis d’arriver à deux conclusions rigolotes, que je partage ici avec vous.

Tout d’abord, l’univers Star Wars est arrivé à maturité. Non pas parce qu’on peut y développer des intrigues “adultes” (même si Andor est celle qui aborde les thèmes les plus mûrs possibles), mais parce qu’il existe en soi, en tant que décor, au même titre, par exemple, qu’une véritable période historique. Par conséquent, on peut aussi bien s’en servir pour des récits d’aventures épiques (Ahsoka) que pour du western galactique (Le Mandalorien) ou des vieilles daubasses moisies du fion (Boba Fett… sorry, mec, mais ta série est toute pourrie, vraiment). Cela dit, ça fait un moment que ça dure (cf. les séries animées Droids ou Ewoks), mais j’ai l’impression qu’on arrive au point où il y a, vraiment, un univers Star Wars qui se prête à presque toutes les intrigues, à condition d’en prendre un peu soin (c’est le cas d’Ahsoka et d’Andor).

Deuxièmement… pour qu’un tel univers perdure, il faut que les récits qui s’y déroulent cessent de s’auto-cannibaliser. A force de développer des intrigues qui se composent de suites de références, de réponses à des questions que se posaient les auteurs et autrices durant leur adolescence au sujet des films, et de caméos… eh bien tout ce qui pourrait être nouveau et inédit finit noyé dans le fan-service et dans l’autosatisfaction. Ahsoka m’a énormément plu, mais combien de temps une telle série peut-être demeurer viable en ne tournant qu’autour d’intrigues déjà posées auparavant ? On ne peut pas non plus raconter cent fois la naissance de la Rébellion, ou alors il faut s’intéresser à UN moment précis et en extraire une démonstration efficace (c’est ce que fait Andor), pas rassembler sans cesse les mêmes références périmées pour tenter de faire du neuf avec.

Andor pose la question : “pourquoi résister à l’Empire quand on est un citoyen lambda de la galaxie ?” et la série y répond complètement, en passant en revue tout ce qui en fait un gouvernement effroyable à tous égards, et sans pour autant se contenter de scènes de violence physique. Toute la violence d’Andor réside dans la tension qui ne cesse de croître d’un bout à l’autre de la série, et sans se servir de phénomènes d’échelle (“si on détruisait une planète entière pour bien montrer que c’est des salauds ?”). J’y reviens encore, mais la méthode de torture employée dans la série est tout simplement incroyable : elle dit tout ce qu’il y a à dire de l’Empire, et ce, sans jamais rien montrer (et fuck le “show don’t tell” : la série procède aussi par ellipses, ce qui n’est pas le moindre de ses atouts).

Bref, voilà ce qui me passe par la tête quatre heures après avoir vu le dernier épisode, au terme duquel on a envie d’immédiatement prendre les armes contre l’Empire. Pour terminer, Andor fait dans la critique sociale (et rejoint en cela les tendances anti-autoritaires de Lucas dans Star Wars) et expose, au travers de deux discours, la nécessité de s’opposer à la tyrannie le plus tôt possible. La série ne se prive pas de recourir au thème du terrorisme, notamment en passant par le personnage de Saw Gerrera (qui brille ici, contrairement à son passage peu inspiré dans Rogue One, et manifeste toute sa folie). Tous ces thèmes se combinent avec brio dans les deux derniers épisodes, qui terminent un récit plein d’amertume mais où perce l’espoir. Et je ne vous cache pas que j’ai été particulièrement ému lors de ces deux épisodes, davantage que je ne l’ai jamais été dans aucun Star Wars.

Je ne vais pas attendre la saison 2 avec impatience : je sais quel risque on court si les décideurs se penchent un peu plus sur la série et décident d’en faire leur chose. D’après ce que l’on ma dit, Andor a été développée sans trop d’interventions de leur part, parce qu’ils n’y croyaient pas du tout. Je crains donc que la suite de la série ne souffre de cet auto-cannibalisme qui gâte une bonne partie des productions Star Wars, y compris les meilleures (les incessants caméo dans Le Mandalorien par exemple). En attendant, on a eu Andor, et ce petit bijou se suffit à lui seul. Et si la suite est du même tonneau, eh bien tant mieux !

Sandy Julien

Sandy Julien

Traducteur indépendant

Works in Progress

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