Et voilà. Aujourd’hui, avec une bonne dizaine de jours de retard (j’ai des progrès à faire dans ce domaine…), je termine l’écriture d’un scénario pour l’excellent jeu Things From the Flood dont j’ai effectué la traduction pour Arkhane. On a bien voulu me confier un de ces scénarios, et je vous dis pas la pression…
Je me suis remis à écrire du scénario de JDR il y a peu, avec une vision très différente de celle que j’avais lorsque j’écrivais pour le magazine Backstab (que les moins de vingt ans ne peuveu pas connétreuuuuu, ou alors ils l’ont lu à la crèche) ou pour le jeu COPS. Et je vais vous expliquer cette vision en peu de mots : j’ai envie de me faire plaisir, et j’ai également envie de proposer des moments mémorables. J’ai envie de donner à jouer des expériences vraiment fun, des moments vraiment WTF (attends, il faut qu’on fasse ça ?), avec des persos un peu barrés.
Ce qui ne m’a pas empêché d’en chier grave lors de la rédaction de ce scénar. J’avais un super pitch, très original, très Things From the Flood, et tout ça fonctionnait parfaitement dans ma tête jusqu’à ce que je me préoccupe de produire quelque chose de conforme au modèle de TFTF… et là… ce fut le drame ! Le format des scénarios du jeu restreint notamment le nombre de scènes essentielles : c’est une excellente idée, qui garantit un rythme soutenu, mais qui amène également à faire des choix. Il ne peut y avoir que quatre ou cinq temps forts, quatre ou cinq vrais “moments” dans le scénario avant l’apothéose (la confrontation).
Il faut donc vraiment bien choisir ces moments, proposer des expériences intéressantes. En ce qui me concerne, j’ai misé sur l’horreur au début, l’absurdité à la fin, le tout autour du thème de la communication intergénérationnelle (qui finit bien évidemment en bain de sang…). Et puis, le scénario est parti dans cinquante directions différentes, et je me suis rendu compte que rien ne reliait mes moments-clef. Il a fallu vraiment bosser sur cet aspect pour s’assurer que les joueurs ne se perdent pas en route simplement parce qu’ils auraient raté un indice (la frustration absolue). Bref, j’ai racommodé tout ça, ça tenait pas mal debout et…
Et poutrin ce que c’était chiant… Une enquête d’Arabesque, tendance Inspecteur Derrick, en un peu moins dynamique. Ah ben merde. Et là, je me suis rendu compte d’un petit détail rigolo qui m’avait complètement échappé : il n’y avait pas d’antagoniste dans mon scénario. Mais aucun, quoi. Rien qu’une menace extrêmement abstraite, et finalement pas si menaçante que ça. Ah ben merde, alors ! Il a donc fallu changer radicalement de cap. Toute mon intrigue très subtile (qui aurait certainement bien marché dans une nouvelle) ne valait vraiment rien comme intrigue de JDR. J’ai donc viré des tas de subtilités, modifié la méthode destinée à affronter le péril en question, rajouté des zombies (TOUJOURS rajouter des zombies, c’est la clef !) et de la violence, puis fait pencher le scénar vers une atmosphère un peu plus simple…
Bon, manque de bol, il manquait encore énormément de substance à mon scénario, et en particulier, la méthode permettant d’affronter le péril de l’histoire ne fonctionnait pas (parce qu’elle nécessitait pas loin de 5000 signes d’explications en pseudojargon scientifique). Je me suis donc tourné vers tous les films que je connaissais où des créatures menaçantes se faisaient niquer par un truc tout con (l’eau, l’air, la crème chantilly) et j’ai donc modifié ça aussi. La chanson “Mexico” de Luis Mariano est devenue un élément important du scénario.
Des tas de choses sont arrivées dans ce scénario, presque toutes seules, organiquement. En fait, chaque fois qu’un truc logique se mettait en place, il s’accompagnait d’une référence culturelle : le poème Jabberwock de Lewis Carrol, les schtroumpfs, Dirty Dancing, et enfin, oui, Luis Mariano. Des petites allusions à Dali, à Bobby Lapointe… Des tas de trucs qui venaient donner un peu de bidoche à ce squelette encore un peu boiteux.
Et puis finalement, les dernières parties se sont “écrites toutes seules” comme on dit. Les dernières idées marrantes (dont le mode d’expression d’un personnage, qui a influencé toute une scène) sont venues d’elles-mêmes. Et voilà, le gros du travail est terminé. Je n’ai plus qu’à refaire un ultime passage pour bien vérifier que tout ça se tient, que je n’ai pas rajouté de pattes au serpent (certainement que si, parce que je dépasse un peu le signage, comme toujours), que ça reste compréhensible même quand on n’est pas dans ma tête.
Mais au bout d’une petite heure de taf, au plus, j’aurai un bon petit scénar, et j’espère que les joueurs prendront plaisir à le jouer (mais qu’ils en chieront moins que moi à l’écrire !).
Allez zou ! Dernière ligne droite. À demain, les aminches !
Bobby Lapointe, c’était pour m’invoquer, n’est-ce pas ?
C’était le clou du spectacle.