Ca se sait un peu, je suis notoirement allergique aux productions ciné et télé françaises. C’est une forme de snobisme de ma part, ou peut-être de populisme au contraire (j’ai tendance à penser que l’intrigue de 99% des films français se résume à : “Elle et lui dans un couloir mal décoré pendant 90 minutes et on attend de voir ce qui se passe” ; et quand c’est pas un film de boules, faut reconnaître qu’on s’ennuie).
Les films français m’ennuient (même s’il en existe de très bons ; j’aime bien ceux de et avec Dupontel, par exemple) au mieux, me font honte au pire. Rien que de voir certaines bandes-annonces au ciné, c’est une vraie torture mentale. Et il y a un truc qui m’exaspère réellement, c’est la diction façon “comédie française” des comédiens censés incarner des gens de tous les jours. Pourtant, le réalisme des dialogues, c’est possible ! Ecoutez un peu les personnages de Kaamelott : on dirait des vrais, boudiou ! Ils parlent comme vous et moi (surtout comme moi si c’est Merlin ou Perceval, en fait). Mais tout ça, ce n’est pas une question de modernité : dans le ciné d’Audiard (par exemple), on causait comme dans la rue, ce qui n’empêchait pas de produire des dialogues inoubliables et savoureux.
Bref : c’est pas une question d’époque. C’est une question de… ben d’acteurs qui jouent de façon super bizarre. Contrairement aux acteurs amerloques (par exemple), qui jouent de plus en plus juste à mes yeux (je suis sans doute biaisé et il existe probablement des tas de contre-exemples : je ne dis pas que le cinéma français, c’est du caca, je dis qu’il a adopté une forme qui me pète les bretelles à suspension d’incrédulité), les acteurs français sont précieux et artificiels. Je me rappelle la gifle que j’avais prise en voyant les comédiens français qui jouaient dans la série Lost : leurs dialogues prononcés tout bien comme il faut avec toutes les syllabes m’avaient vraiment pourri mon groove.
Après avoir vu la bande-annonce de Marianne sur Netflix, j’y allais donc quand même un peu à reculons, et c’est en entendant dire que Stephen King avait beaucoup aimé que je me suis vraiment décidé. Il faut dire tout de même que la série est filmée “à l’américaine”, avec une très belle photographie, une palanquée de scènes en extérieur et une très bonne atmosphère.
Et puis, il y a Mireille Herbstmeyer, dans le rôle de madame Daugeron, une femme possédée. Herbstmeyer en fait des tonnes… mais avec habileté : elle arrive toujours à balancer un petit sourire qu’on dirait sorti d’un manga de Junji Ito. On a d’ailleurs la forte impression que les images horribles qui interviennent (à dose homéopathique, parce que toujours par brefs inserts) dans le récit s’inspirent des dessins de Junji Ito, avec des yeux sans iris et des visages arborant une expression d’effroyable jubilation. Herbstmeyer balance les watts dès le début, elle appuie à fond sur l’accélérateur, et la série doit énormément à son jeu dément.
À côté de ça, la protagoniste du récit, l’autrice Emma Larsimon, interprétée par Victoire du Bois, est complètement aux fraises. Manque de bol, comme Mme Daugeron (davantage, en fait…), Emma est au coeur du récit.
Il faut donc la supporter jusqu’à la fin et… ben c’est vraiment pas ça qu’est ça. Du Bois joue son autrice à tempérament comme une gamine capricieuse, lit en public un extrait de son roman (pas super sexy, l’extrait, d’ailleurs, comme une grande partie des passages de ses livres qui sont cités) comme qui déchiffrerait une blague Carambar, et détache tout bien les syllabes comme il faut, ce qui décrédibilise un poil le personnage censé être issu “d’la campagne” même si Emma a des lettres (enfin, on ne saura pas trop lesquelles vu que son loisir principal consiste à se bourrer la gueule avec ses copains et copines, et qu’on ne la voit pas s’intéresser à la littérature, quelle qu’elle soit). Nous sommes dans un univers où la vieille bonne femme possédée ouvre la porte de chez elle en demandant : “Qu’y a-t-il ?”, avec tant d’application qu’on pourrait accrocher du linge au point d’interrogation.
Aparté : je n’ai jamais entendu quiconque demander “qu’y a-t-il ?” dans la réalité (on dit : “qu’est-ce qu’y y a ?” ou “quoi donc ?”, et ça sonne très très bien surtout si c’est Jean-Pierre Marielle qui le fait, par exemple). En même temps, je viens d’un bled paumé où on dit “je vais y faire” à la place de “je vais le faire”, mais je vous assure que j’ai croisé des gens qui s’exprimaient (et s’expriment encore) avec un tant soit peu d’élégance, mais jamais de la façon dont s’expriment ceux de Marianne. Et ça, ça m’a vraiment arraché au récit, à plusieurs reprises.
Bref, je ne sais pas si c’était volontaire de sa part, mais ça tue un peu l’atmosphère. Le personnage d’Emma Larsimon n’aide pas à l’apprécier : cette autrice alcoolo est strictement insupportable. Nous apprenons au fil du récit que ce comportement résulte en fait d’une grande noblesse de caractère, du besoin de sauver ses am…
Non, mais en fait elle est vraiment super pénible du début à la toute fin du récit, enquillant les décisions merdissimes et les crises d’irresponsabilité, et ne s’interrompant que pour se pochtronner ou demander pardon en pleurant pas très bien (chaque fois qu’elle se met à geindre, on la sent exprimer 0% de sincérité et on sent une probabilité de 100% qu’elle refasse exactement les mêmes conneries dans un futur qui se compte en poignées de secondes).
Enfin bref, voilà, le contraste m’a vraiment pété à la figure lors de séquences de flashback où Emma est interprétée par une autre actrice, la très jeune Luna Lou, qui est bien plus juste dans le rôle, d’autant qu’elle joue un personnage qui n’est pas encore complètement pénible (ça aide peut-être). Le retour aux séquences “d’aujourd’hui” n’en était que plus douloureux.
À côté de du Bois, le reste du casting est plutôt équilibré : rien de folichon genre “oh là là on y croit trop, à ces personnages”, mais des performances de comédiens assez agréables (les dialogues piquent quand même pas mal, par moments).
Passé le gros écueil que représentait pour moi le côté franchouille, il faut bien reconnaître que la série fiche vraiment la trouille, en particulier grâce à une utilisation très astucieuse de tout petits effets, d’inserts qui durent une fraction de seconde et de Mireille Herbstmeyer qui vole la vedette à tout le reste du casting, haut la main (oui, elle en fait des caisses, mais elle, elle a une très très bonne raison et c’est pas tous les jours qu’on voit une actrice de cet âge crever l’écran).
Passé le ventre mou du récit (deux épisodes qui durent moins de quarante minutes, et dont on se dit qu’ils auraient pu se résumer à un flashback d’un quart d’heure), tout ça se termine sur une fin au rythme un peu foireux (on sent que ça tire à la ligne et qu’il faut faire les huit épisodes) mais légitime et bien foutue, avec quelques petits twists qu’on a vu venir à des kilomètres, mais qui font quand même illusion.
C’est rigolo, parce qu’à relire ces lignes, je me dis qu’on a l’impression que je n’ai pas aimé Marianne… ce qui n’est pas le cas. J’ai beaucoup apprécié. J’ai passé un très bon moment. Je me suis demandé si du Bois jouait très bien une pénible ou si elle jouait très mal un personnage normal, et j’ai décidé que finalement, c’était un peu des deux, alors ça passe. J’ai réellement eu la trouille à plusieurs reprises, ce qui ne m’arrive quasiment jamais en voyant des films américains beaucoup mieux interprétés (à mes yeux, c’est subjectif, souvenez-vous : pour moi, français, c’est pas bien, je suis désolé, c’est comme ça, y a des gens qui aiment pas les épinards, eh ben moi j’aime pas le ciné français actuel). J’ai tenu jusqu’au bout de la série en me demandant ce qui allait se passer, et à la fin, j’étais satisfait de l’histoire qu’on m’avait racontée.
Autant vous dire que c’est exceptionnellement rare pour moi. Je vous recommande chaudement Marianne, parce que c’est vraiment un excellent moment de divertissement, bien mené, le tout avec une énorme énergie et une vraie volonté de proposer quelque chose qui rivalise avec de grosses productions. Ca s’éparpille un peu partout, ça va bouffer à pas mal de râteliers, mais c’est vraiment sympa au bout du compte.
Note : je vais encore une fois changer de rythme, pour proposer un ou deux posts par semaine plutôt qu’un par jour. Je vois bien ça le lundi et le jeudi… on verra bien ! Merci à ceux qui viennent ici !