J’ai commencé hier à revoir “The Lost World”, 4e volet de la série Jurassic Park au cinéma, en prévision du 5e opus que j’ai l’intention d’aller mater ce vékande. J’ai aussi mangé un poulet au curry rouge avec trop de crème et ça gâchait un peu, et y avait eu un orage la veille, et mes chiens avaient fait chier toute la nuit.
Votre sens critique vous aura sans doute permis de filtrer les informations que je viens de vous donner pour en extraire la plus importante : il faut quand même limiter un peu la crème et le lait de coco dans le curry sinon c’est un poil trop riche, même avec beaucoup de riz. Un détail apparemment anodin vous aura quand même sans doute frappé : je parle de flimes de ciména, et plus particulièrement d’un flime que j’aime beaucoup, Jurassic Park.
Il est très spécial à bien des égards. Déjà, c’est un film de Steven Spielberg, qui compte parmi mes réalisateurs favoris. Je vous parlerai sous peu de ma grande passion pour son oeuvre, au point que vous aurez envie de vous crever les yeux avec de petites aiguilles toutes fines en criant “arrête, arrête avec Spielberg” ! Ensuite, le film a engendré une série, qui comprend des hauts et des bas, mais qui reste le mètre-étalon en matière de films de dinosaures. Finalement, Jurassic Park a influencé la pop-culture de façon radicale, mais il a aussi marqué la culture tout court. Avant 1993, si vous parliez de “velociraptor”, on vous regardait avec des yeux ronds avant de vous demander la taille des pneus ou le niveau de confort du guidon.
Aujourd’hui, même plus besoin de dire “véloci”.
J’ai revu l’essentiel de la saga Jurassic Park presque d’un trait (je me suis endormi devant Jurassic World hier, mais c’est consécutif à l’orage : je n’avais presque pas dormi la veille (au passage, vous voyez à quel point c’est structuré, ces articles : chaque détail a son importance, un truc de ouf). Et ça a changé radicalement la façon dont j’appréhende les films.
D’abord, j’ai été époustouflé devant le deuxième opus, “The Lost World”. Je ne l’avais pas aimé au ciné, mais j’étais prêt à lui donner une seconde chance : il y a en effet quelques passages plutôt marrants, et à ma grande surprise, quelques dialogues vraiment bien écrits au début du film. Et un tyrannosaure dans les rues de San Diego, ce qui était effectivement très rigolo. A côté de ça… je ne peux pas croire une seconde que ce soit Spielberg qui ait tourné (et surtout monté) le film.
A l’heure où je mange des muffins en buvant de la Ricorée (donc un petit quart d’heure avant la rédaction de cet article), je ne me suis pas énormément renseigné sur ce second (au passage : oui, on peut dire “second” même quand il y a un “troisième” après, cette histoire de deuxième/second, c’est une légende littéraire… où j’en étais ?) opus et j’ignore si Spielberg s’est expliqué, s’il a eu des soucis à l’époque, etc. Mais une chose est claire : les plans de conversation longs et statiques du début du film, sans même un petit champ-contrechamp pour certains dialogues, ne ressemblent pas au cinéma très dynamique qui me fascine chez Spielberg. Quand je repense au premier Jurassic Park, je vois le plan de réaction d’Ellie Satler (Laura Dern, géniale dans ce film et ailleurs) découvrant les dinosaures : la caméra monte avec elle lorsqu’Ellie se dresse dans la jeep, dont une partie du toit apparaît et défile dans le plan. Quand je vois ce plan, j’ai envie de me dresser sur mon siège pour mieux regarder les brachiosaures, et ça me le fait à chaque fois.
Mais dans “Le Monde perdu”, on a des dialogues en plan statique de pas loin de huit heures ! (Bon, disons trente bonnes secondes, j’ai pas vraiment chronométré avec précision.) A la fin du film, j’étais persuadé que ça ne venait pas de Spielberg, mais sans doute d’une seconde équipe. La musique de John Williams est époustouflante, avec des passages évoquant les vieux films d’exploration de jungle… Les trucages sont… eh bien, un peu plus au point que ceux de Jurassic Park premier du nom, mais tellement moins bien exploités. Pensez à la scène du T-Rex (plus personne ne dit tyrannosaure, vous avez vu ? T-Rex, quand j’étais ado, c’était le nom d’un chanteur…), par exemple : une chorégraphie ahurissante, où tout est millimétré. Rien de tout ça dans Le Monde perdu : les trucages sont exploités avec bien moins de talent.
Et pourtant, c’est de Steven Spielberg, avec le même scénariste, la même productrice (la formidable Kathleen Kennedy, que j’adore depuis E.T.)… Bon, bref, faut que je me documente.
Jurassic Park 3 : Le sauvetage dans l’île avec le petit garçon (c’est pas le titre officiel, mais j’ai oublié le vrai). C’est Joe Johnston qui est responsable (Joe Star Wars Johnston, allez faire un tour sur wikipédia, vous verrez que le bonhomme a fait quelques petites choses. Tant que vous y êtes, regardez la page de Kathleen Kennedy, ça peut pas faire de mal, et après, faites-lui un bisou virtuel pour tout ce qu’elle vous a apporté sans que vous le sachiez, un peu comme cette tata de l’autre bout du monde que vous n’avez jamais rencontrée mais qui vous envoyait un cadeau incroyable à chaque Noël). Plutôt sympa, en fait, d’autant qu’on y trouve William H. Macy, qui est absolument extraordinaire dans tous les films où il joue (et si ça se trouve, dans quelques-uns où il ne joue même pas, mais c’est plus difficile à quantifier). Une très bonne surprise : c’est tartignole, le film finit complètement en merde, il y a une sorte de T-Rex cornu qui apparaît… pour des raisons mystérieuses… mais c’était un bon moment.
Jurassic World : du fun, des trucages encore plus réussis, et surtout, surtout, une idée que j’adore… Présenter un Jurassic Park fonctionnel avec tout ce que ça implique en terme de délices visuels, et finalement, une fois que le spectateur est gavé d’images, lui donner ce que tout gamin normalement constitué s’imagine en visitant un zoo : maintenant qu’on a vu les bestioles intéressantes, qu’est-ce qui se passerait si les plus dangereuses se barraient de leurs cages ? (Et quand j’écris “gamin normalement constitué”, je pense évidemment à moi, qui suis un petit peu le garant de la normalité universelle, au moins dans ma tête). J’ai beaucoup aimé et j’attends le prochain avec impatience.
Bref. Je me suis rendu compte d’une chose assez amusante : certains films se regardent différemment dans certaines circonstances. Jurassic Park au ciné, Jurassic Park en DVD, Jurassic Park en 2018 où le défi technologique n’est plus le même, Jurassic Park en marathon à la maison, Jurassic Park en 4DX avec les sièges qui secouent et les petits bitonios qui vous crachent de l’eau à la tronche quand les dinosaures éternuent… ce n’est pas le même film. Mais pas du tout, en fait. Chaque lecture est différente. Le film vous apporte des choses différentes. On adopte des grilles de lecture radicalement opposées, parfois.
Il n’y a pas qu’un film, il y a un nouveau film chaque fois qu’on pose son cul pour le regarder. Et ça ne vaut pas que pour ces “grands classiques” dont on vous rebat les oreilles, mais bien pour tous les films. En particulier ceux que vous avez aimés ou détestés. Ceux qui vous font tendre le cou pour regarder les brachiosaures. En fait, non, oubliez ce que j’ai dit : ça vaut surtout pour les films où on voit des brachiosaures. C’est ma conclusion et je l’assume.
Par conséquent, dans les jours prochains, je vous fais une liste de mes dix films de brachiosaures préférés, ça va être passionnant.