Fidèle à une tradition désormais bien établie, je n’ai plus donné signe (ni canard, ha ha ha) de vie depuis des mois sur ce blog. Et aujourd’hui, j’ai envie de vous entretenir de choses absolument essentielles, sans lesquelles vous auriez sans doute énormément de mal à poursuivre une existence sereine, alors je reviens, notez combien je suis bon et compatissant.
En fait, je reviens du cinéma et je viens de voir deux sympathiques films, que j’ai énormément apprécié. Curieusement, alors qu’il s’agit de deux machins fort différents, je les ai aimés un peu pour la même raison. Bing, votre intérêt est accroché, je vous tiens. Non ?
Premier flime de ciména : Simetierre, de et avec Stephen King, sauf qu’en fait le film n’est pas de lui et qu’il ne joue pas dedans. Ha ! Alors attention, je risque un petit peu de vous spoiler, mais je vais tout faire pour que non, en fait. Je ne vous raconterai pas les trucs surprenants, mais je vais en parler. Bref, Simetierre est la deuxième adaptation du roman éponyme du King (qui l’a vraiment écrit, c’est promis, je déconne plus), et une adaptation très réussie, même s’il ne s’agit pas du film du siècle, ni même de l’année.
Simetierre, film de Kevin Kölsch et Dennis Widmyer, est loin, en effet, de surprendre le pestacleur par ses prouesses filmiques : c’est tourné un peu planplan, sans génie, mais de manière tout à fait efficace, un peu comme nombre de films des années 1990 qui n’allaient pas vraiment chercher midi à quatorze heures : l’intrigue se déroule de façon claire et lisible, les acteurs font carrément bien le taf, et on a droit à tous les plans bien craspecs qu’on était en droit d’attendre dans ce genre de production. Les réalisateurs ne se sont pas non plus privés d’un nombre considérable de jump-scares, lesquels, dans la salle 4DX (vous savez, celle où les sièges sont en mode rodéo et vous donnent de temps en temps de bons vieux coups dans les vertèbres ou vous crachent copieusement à la gueule – Note : ne pas voir trop de films sous la pluie dans ces salles si vous êtes plus ou moins solubles dans la bruine), donnent un sens nouveau à l’expression « projection cinématographique ». On ne dit plus : j’ai assisté à une projection de tel film, mais j’ai subi une projection lors du film. Les camions au klaxon apocalyptique du roman vous décollent régulièrement la pulpe du fond. Même chose pour les décors : les bois sont systématiquement brumeux, les intérieurs sombres, les cuisines remplies de couteaux…
Bref, si vous vous attendez à une grosse surprise
décoiffante sur le plan visuel ou même filmique… passez votre chemin. La forme
de Simetierre 2019 est extrêmement classique, invoquant même ce bon vieux John
Lightgow qu’il est toujours agréable de revoir à l’écran : c’est
confortable comme une bonne paire de charentaises, c’est bien foutu, les
acteurs sont très bons (y compris le petit Gage, dont on peut s’imaginer qu’il
s’agit du même que dans le film de Mary Lambert tellement il lui ressemble), mais
on n’est pas devant la palme de l’originalité (ni même le tuba de l’originalité ;
on n’est devant aucun matériel aquatique de l’originalité, quoi…).
Et puis vient ce moment du film où… ah merde, c’est vraiment plus du tout le
même film que celui de Lambert, ni même l’adaptation du roman. Surprise,
motherfucker. À partir de ce pivot, on a affaire à un autre récit, qui exploite
d’autres pistes et qui assume jusqu’au bout, pour proposer non pas une
relecture, mais une version en forme de « et si… » qui fait le taf
jusqu’à la dernière image.
Ca fonctionne, c’est fun (enfin… c’est affreux, en fait…) et ça exploite d’autres choses intéressantes. Le personnage de Zelda est utilisé très différemment, Rachel est bien plus présente et active que dans le film de Lambert (où elle était interprétée par une actrice très sympa mais qui joue, à mes yeux, comme un mannequin en plastique, et un mannequin en plastique pas super doué pour faire passer les émotions par le regard), et le film pose des questions différentes.
On apprécie d’autant plus le film si on a lu le roman et vu la précédente adaptation, puisqu’on s’amuse à jouer aux sept (millions de) différences au bout d’une heure. Il y a de très bons moments, la petite Jeté (sérieux, le thème de la projection est puissant dans ce film…) Laurence assure d’un bout à l’autre… Bref, un très bon moment et une version qui prend de gros risques du point de vue narratif tout en restant planplan dans sa technique. Il ne m’en faut pas davantage pour passer un bon moment.
Deuxième flime : Shazam. Bon, j’aime les superhéros, et je lisais, tout petit, les aventures un peu WTF du « red big cheese » avec plaisir (dans des recueils qu’on trouvait pour pas cher, vendus par paquet de cinq ou plus dans des sacs plastiques, au rabais, dans les supermarchés, quand les éditeurs bazardaient leurs fonds de stocks). Shazam est un film plein de bons sentiments et d’humour, avec un casting adorable et un thème tout simple : c’est cool, quand même, la famille. On pourrait s’amuser à projeter sur cette famille idéale une sorte de fantasme de l’Amérique, mais au bout du compte, les analyses psychologiques des films de superhéros, ça va bien cinq minutes.
Les films DC me déçoivent assez ces derniers temps, avec leur tendance à vouloir rendre « adultes » des univers fantasmatiques et conçus (à l’origine en tout cas) pour séduire le jeune public. Les films de superhéros bâtis exclusivement pour aller hameçonner le vieux fan de comics me semblent de plus en plus susceptibles de louper leur vraie cible. Je vais être un peu bas de plafond, mais quand je vais voir un film de superhéros, j’ai envie de voir des méchants très méchants et des gentils qui leur mettent sur la gueule. J’ai aussi envie que les jeunes puissent s’identifier à ces superhéros, qu’ils y trouvent un divertissement accessible pour eux et qu’ils en profitent un max. Et c’est ce que Shazam propose, avec une intrigue toute simple, un héros qui obéit à un principe narratif très sympa (le protagoniste recherche quelque chose, mais en réalité, ce n’est pas ce qu’il recherche qui lui manque réellement), et le film enchaîne les gags sans discontinuer, quitte à larguer son public adulte.
Mais moi, rusé tel le renard, je ne suis plus adulte quand je regarde un film de superhéros. C’est pour cette raison que j’ai beaucoup apprécié Aquaman (des requins qui servent de montures et qui balancent des rayons sous l’eau pour péter la tête à un crabe géant ? Count me in…), au même titre que Shazam.
Le film balance quand même pas mal de fan-service (la peluche de tigre, et aussi le « twist » final), les acteurs ados et enfants sont adorables, bref, c’est du bon film familial calibré, efficace.
Bref, de l’entertainment, et surtout du récit.
Bon sang, il se passe sans cesse des trucs dans Shazam. Des trucs très cons, souvent, mais des trucs. Le film remplit l’unique case qui définit pour moi un flime de qualitay : on ne se fait pas chier. On vient pour voir un mix entre Big (avec Tom Hanks) et Superman, et on y est (y compris avec un petit clin d’œil lorsqu’intervient le clavier de piano musical du magasin de jouets).
Et surtout, surtout…
C’est une « origin story ».
Manifestement, l’origin story (vous savez, ce récit où le héros découvre ses
pouvoirs) est considérée comme un peu has-been dans le monde des superhéros
ciné. « C’est déjà fait, tout le monde connaît tel ou tel héros, on n’a
plus envie de voir ça… » Eh bien je crois que si. Je crois que si moi, à
46 piges, j’ai vu une palanquée d’origin stories, ce n’est pas forcément le cas
de tout le public potentiel des films de superhéros. Et l’origin story, la
découverte des pouvoirs, c’est aussi un moment extrêmement jouissif : c’est
un fantasme d’ado ou d’enfant, et c’est tout simplement super gratifiant.
Pour conclure : deux films qui ne vont pas rafler des oscars, mais qui font bien le taf, qui racontent vraiment quelque chose, sans génie particulier, mais sans tenter de se la jouer non plus, deux belles œuvres d’artisans efficaces qui ont envie qu’on passe un bon moment au ciné. Ce qui n’est pas si facile que ça. Le point commun des deux films ? Leur capacité à réinventer une histoire au thème fort pour lui donner une issue différente, plus en phase avec les préoccupations de l’époque dont ils sont le reflet, et un vrai respect pour le matériau d’origine, avec suffisamment d’audace toutefois pour ne pas resservir la même soupe. Je leur mets huit petites pommes sur trois pêches, avec prix spécial des zygomatiques pour Shazam et oscar des gamins flippants pour Simetierre.