Les Gardiens de la Galaxie, zeu vidéogame : 10/10

Je viens de finir le jeu Guardians of the Galaxie de Square Enix sur PS5, et pour la première fois de ma vie, j’ai envie de dire que je lui accorderais une note de 10 sur 10.

Le jeu utilise une version des Gardiens très proche de celle du MCU, mais avec quelques différences. Si vous avez vu les films, vous ne serez certainement pas perdus, mais certains détails pourraient vous étonner. En premier lieu, comme dans l’assez médiocre Avengers, le design des persos ne reprend pas celui des personnages, et surtout des acteurs, de la série de films. On met un certain temps à s’y habituer, mais une fois que c’est fait…

Cette. Claque. Magistrale.

En premier lieu, la technique du jeu est irréprochable. C’est un des plus beaux jeux auxquels j’aie joué tous supports confondus. Au passage, j’ai pu le tester sur Xbox Series X avant de passer sur PS5 (il est présent sur le PS Plus Gamebox Play Store Boutique Abonnement Netflix Games, je me souviens plus du nom de ce foutu service, mais c’est l’abonnement PS5 avec plein de jeux). Petit avantage à la PS5 sur ce point : le joypad de la PS5, avec ses détentes à résistance variable, offre un petit plus, et c’est surtout son haut-parleur interne qui ajoute un peu d’immersion lors de certaines scènes. Pas indispensable, ça ne change pas le jeu, mais c’était apprécié. Visuellement, dès le début du jeu avec son flashback dans la jeunesse de Peter Quill, c’est très, TRES fort, avec en plus un sens du design très élégant, ce qui ne gâte rien.

Côté son, on est gâtés aussi : grosse playlist de titres des années 80 (avec Pat Benatar !!! Yay !) plus musique orchestrale façon MCU quand il faut. C’est très bon, et la musique s’intègre au gameplay, ce qui est une très bonne idée.

Dans GotG, vous ne dirigez qu’un personnage, Peter Quill allias Star-Lord, mais vous disposez également de commandes permettant de déclencher certaines attaques de vos partenaires. Au début, c’est assez frustrant, car la lisibilité de l’action pourrait en pâtir. Pour tout dire, lors de mon premier essai du jeu, j’ai été assez désarçonné : j’ai joué comme dans un jeu de tir ou un beat them up, alors que la dimension tactique du jeu est bel et bien présente (et indispensable lors des combats les plus tendus du slibard). Et… ben ça ne marche pas : on se fait vite trucider à moins de passer en mode facile (qui tue tellement la difficulté et l’intérêt que j’y ai renoncé après dix minutes).

Il faut réellement apprendre à gérer l’équipe, et c’est très futé, étant donné que c’est un des thèmes de la franchise : unir des personnages aux caractères différents dans une équipe et une famille de « misfits » galactiques. Il va donc falloir non seulement canarder les ennemis, mais avoir une vision globale du champ de bataille pour aider vos alliés ou les faire intervenir de la bonne façon contre les ennemis appropriés. Ca demande un peu de finesse, mais une fois qu’on maîtrise, c’est particulièrement jouissif ! D’un bout à l’autre, les combats sont bien équilibrés, toujours fun à jouer et jamais complètement frustrants (même s’il y en a quelques-uns d’assez costauds, même le casual gamer que je suis en est venu à bout à force de persévérance). Et quand vous vous faites démonter… vous pouvez demander une réunion d’équipe pour booster le moral de vos coéquipiers, et c’est là qu’une des chansons des années 80 commence à jouer pour vous donner la patate !

À cet aspect baston s’ajoute un petit côté énigmes/exploration simple mais marrant : il faut utiliser les capacités des divers Gardiens pour débloquer des passages au fil de l’aventure, et c’est vraiment amusant et efficace. D’autant que le jeu fait quelque chose de TRES finaud, et c’est là que je vais commencer à justifier mon 10/10.

Quand vous êtes bloqué, les autres personnages vous donnent des indices.

Pas sous forme d’encadrés à l’écran qui vous sortent de l’immersion du jeu, non. Pendant les dialogues parlés, vos coéquipiers vous disent des trucs comme : « je crois que Peter Quill s’est perdu », quand vous partez dans la mauvaise direction. Dans certains cas, un des personnages vous guide vers la bonne destination. En terme de level design, c’est tout simplement magistral : alors que j’ai tendance à me paumer dans pas mal d’univers, ici, sans la moindre carte, sans flèches à l’écran pour me diriger, je ne me suis jamais perdu, j’ai toujours su ce qu’il fallait faire, je ne suis jamais allé chercher une soluce une fois bloqué. Chaque fois, les indices fournis verbalement par les autres Gardiens ont suffi à me ramener dans la bonne direction, ce qui est vraiment unique (je sais qu’il y a plein de jeux qui donnent des indices, mais aucun ne les donne 1) aussi subtilement 2) dans le cours de la conversation des PNJ ; les indices ne sont jamais extradiégétiques, et c’est un tour de force magistral).

Les conversations, parlons-en.

J’ai fait le jeu en VF audio sous-titrée VO, juste pour voir, au début… et j’ai conservé ce mode jusqu’au bout (d’ordinaire, je bascule presque systématiquement sur la VO sous-titrée VO ou VF, selon le jeu, mais quasiment toujours sur la VO audio en tout cas). Le deuxième tour de force du jeu, c’est sa traduction et son adaptation.

Les personnages parlent en PERMANENCE dans les Gardiens de la Galaxie, ça papote sans cesse, y compris dans les combats. J’ai récemment testé un jeu qui utilisait aussi ce principe, Xenoblade Saga 3 sur Switch. Et sur Switch… déjà, c’est VO (japonaise) ou doublage anglais, donc pas de bol pour les francophones uniquement, et surtout… C’est une véritable cacophonie ! Les PNJ se contentent de balancer des noms d’attaque ou des répliques planplan histoire de fournir un fond sonore. Au bout d’un moment, c’est assez agaçant et ça ne sert pas à grand-chose.

Dans Guardians of the Galaxy, les personnages balancent sans cesse des bons mots, et de vrais bons mots DRÔLES. Et non seulement ces blagues sont excellemment traduites ou adaptées (contournant parfois d’exquises difficultés idiomatiques), mais elles sont interprétées par des comédiens talentueux. La voix française de Drax m’a un peu ennuyé au début, car je m’étais habitué au doubleur du film, mais ça s’est vite effacé devant le talent énorme de toute l’équipe (avec un coup de chapeau particulier au doubleur de Rocket, qui défonce tout). On est devant un travail d’une justesse formidable, où le choix des mots, des intonations et de la diction fait immédiatement prendre la mayonnaise et vous plonge dans l’univers des Gardiens.

J’ai éclaté de rire à plusieurs reprises en jouant.

Parfois, devant un jeu, j’ai un petit sourire genre « hi hi hi, je vois ce que vous avez fait, là, c’est drôle ». Je n’avais jamais éclaté de rire devant un jeu (Note : si, Octodad. J’ai éclaté de rire devant Octodad. D’un bout à l’autre du jeu. Mais c’était pas à cause des DIALOGUES), et ça m’est arrivé très souvent. En fait, l’expérience de ce jeu a été totalement… cinématique pour moi. Je faisais partie du « film ».

La volonté d’offrir une expérience de ciné est claire ici, avec de grosses cinématiques (particulièrement digestes, alors que c’est un truc que je déteste dans la majorité des jeux, et qui m’empêchera sans doute à tout jamais de faire le moindre Metal Gear Solid), un générique de fin (hu hu hu…) et une séquence post-générique façon MCU (franchement, restez jusqu’au bout). Lorsque vous êtes confronté à des choix de dialogue, ils sont toujours bien vus et ne trahissent jamais le personnage (contrairement au genre de choix qui vous sort immédiatement de la fiction en vous proposant une réplique absurde, juste « parce que c’est marrant »). D’ailleurs, ces choix de dialogue… vous allez devoir les faire pendant que vous vous baladez…

Dans GotG, vous explorez plusieurs planètes assez stupéfiantes, et parfois, aller du point A au point B pourrait être vraiment, VRAIMENT gonflant. Ici, la conversation constante ponctue ces passages. Et le jeu vous laisse l’occasion d’INTERVENIR pendant ces conversations de vos camarades, généralement pour prendre le parti d’un d’entre eux contre un autre. Ca n’a pas vraiment d’influence technique, mais c’est une technique d’immersion particulièrement bien vue.

Tout se réunit pour vous donner l’impression de faire partie d’une équipe, d’une équipe de personnages VIVANTS et non de « PNJ ». Et ça passe par des détails tout simplement géniaux. Le plus frappant, pour moi, était le suivant. Dans tout le jeu, vous pouvez exploiter les pouvoirs de vos camarades pour tendre des ponts afin de traverser des gouffres, détruire des obstacles, etc. À vous de dire à Groot de faire pousser des branches pour couvrir un abîme. C’est un mécanisme qui n’est pas utilisé à outrance, mais qui peut devenir fastidieux : on voit le petit marqueur de pont, on demande à Groot, allez, suivant, circulez y a rien à voir.

Sauf qu’à un moment, Groot réagit tout seul. Il déploie le pont sans que vous ayez rien demandé. Ce petit moment de rien du tout m’a complètement épaté. Je me suis demandé si je n’avais pas lancé la commande par inadvertance. Non, d’autant que Star-Lord le souligne verbalement en félicitation Groot pour son initiative. Ce tout petit détail m’a complètement happé dans l’univers des Gardiens (bon, quand c’est arrivé, j’y étais déjà absorbé depuis longtemps…).

L’univers lui-même est riche et COHERENT : les lieux proposés ont une histoire, et surtout, les personnages y sont intimement liés. Aucun détail n’est anodin (pensez à fermer la porte du frigo !), et cette cohérence permet d’explorer l’histoire de cette version des Gardiens. C’est du worldbuilding de ouf, le tout servi par des visuels époustouflants et de grands moments. D’ailleurs, le thème des liens familiaux joue un rôle essentiel, comme dans les deux premiers films de la série (la bande-annonce du 3e me fait craindre un vieux truc carrément foireux, je le sens hyper mal, mais je le verrai quand même, sachant que j’ai adoré les deux premiers), et certaines scènes m’ont paru particulièrement émouvantes (une certaine scène d’anniversaire). Bref, du côté du récit, c’est énorme.

Et y a Mantis. Sérieux, best personnage de soutien ever.

Et la durée de vie est tout à fait honorable : une bonne grosse quinzaine d’heures pour faire l’intrigue principale, qui va de rebondissement en rebondissement. Au passage, petit détail qui fait aussi la qualité du jeu : vous pouvez mettre en pause à n’importe quel moment (par exemple le temps d’aller préparer la bouffe ou répondre au téléphone), même lors des cinématiques. Ça n’a l’air de rien, mais il y a trop de jeux qui oublient ce genre de petit détail (oui, Midnight Suns, c’est à toi que je pense…).

Tant qu’on y est, Midnight Suns, parlons-en. C’était ma dernière expérience Marvel juste avant GotG, et j’ai adoré certains aspects du jeu, au point de me dire : OK, ça va devenir MON jeu Marvel préféré. Malheureusement, d’autres aspects handicapent le jeu, en particulier ses dialogues médiocres et d’une lenteur de limace sous tranxène. Quand on compare à GotG, c’est le jour et la nuit. Alors que Midnight Suns joue la carte du fan-service à outrance et s’appesantit bien trop sur ces aspect, GotG se suffit à lui-même : même si vous ne captez AUCUNE référence, le jeu a énormément à offrir et ne vous perd jamais.

À la fin de GotG, j’ai ressenti ce que je ressens après un excellent film, ou un super repas. J’étais… repu. Satisfait, pleinement, sans RIEN à reprocher au jeu, mais rien de rien. Je n’ai même pas parlé du design de ouf du grand méchant, de la motion capture impeccable des personnages, de la possibilité d’utiliser le lecteur audio dans le Milano pour écouter des tubes des eighties ou du slip de Fin Fang Foom, mais je vous garantis que c’est une balade absolument extraordinaire. Et à l’heure où j’écris, on trouve souvent le jeu à une trentaine d’euros, à moins que vous soyez abonné·e au Gamepass ou au Playstation Plus (c’est ça, non), auquel cas vous y avez accès sans débourser un centime de plus.

Du coup… j’avais un palmarès de jeux Marvel, un trio de tête. Midnight Suns et Spider-Man, que je mettais au même niveau jusqu’à ce que je finisse Midnight Suns, qui passe désormais après Spider-Man : la qualité du jeu s’essouffle sur la fin (que je trouve carrément bâclée, convenue et pas satisfaisante du tout excepté la scène post-générique), et les dialogues sont… ben c’est quand même vraiment mauvais. Mais Guardians vient de passer DEVANT Spider-Man, parce qu’il n’y a rien à jeter dans ce jeu. Je ne regrette pas d’avoir persévéré après une première impression mitigée (le système de combat est TRES particulier et surtout, au tout début du jeu, vous êtes vraiment sous-équipé face aux adversaires et vous risquez de mourir vite : ça s’arrange très rapidement et le jeu en vaut la chandelle).

Bref : meilleur jeu Marvel ever, et… est-ce que ce ne serait pas LE meilleur jeu auquel j’aie joué ? Difficile à dire (il y a quand même A link to the Past – que je préfère de loin à Ocarina of Time, Bioshock, et pas mal de titres assez costauds…). Disons simplement qu’il figure dans le top ten, haut la main, ex-aequo avec ces jeux et quelques autres.

Je vous recommande vigoureusement de l’essayer, et je remercie du fond du cœur l’équipe responsable de l’adaptation française, traducteurs et comédiens : ils ont tout simplement fait LE meilleur boulot de ce genre dans l’industrie du JV selon moi (à cet égard, le jeu est le meilleur de tous les temps).

La dernière fantaisie

Je suis en train de traduire un truc excellent. Vous allez me dire : ouais, mais c’est chaque fois, avec toi ! Ben écoutez, je ne sais pas, il faut croire qu’on me confie des trucs vraiment cool chaque fois.

Cette fois-ci, c’est pour un nouvel éditeur que je travaille : Don’t Panic Games (chez qui devrait sortir la VF de Cowboy Bebop pour ceux que ça intéresse !). Et le jeu dont je vais vous parler… ce n’est pas Cowboy Bebop.

C’est un “petit truc” qui s’appelle Fabula Ultima.

“Ca a l’air cool comme pays, le Disque-Monde”, se dit-il tandis que son bateau se cassait la gueule dans le néant spatial.

Fabula Ultima est un jeu d’Emanuele Galletto destiné à reproduire sur votre table (et un peu en dessous si vous perdez les dés quand vous les lancez) le déroulement d’un JRPG, c’est à dire de tous ces jeux de rôle pour console japonais du genre Final Fantasy (d’où le titre, qui est bien rigolo). Vous allez jouer dans un univers très inspiré des mondes pixellisés de ces jeux, en interprétant des personnages héroïques, avec un système tout simple mais adapté à ce genre de chose.

Et là, vous allez me dire : ça marche bien ?

Eh ben carrément bien, oui. Pour une raison très simple : Fabula Ultima ne cherche pas à réinventer la roue, mais expose des règles classiques avec une clarté assez rare. On n’est pas dans un jeu ultra-original où il faut jongler avec des dés en feu au-dessus d’une bassine pour réaliser les tests : ici, une poignée d’attributs, des dés qu’on lance toujours par deux, on fait la somme et il faut dépasser un niveau de difficulté. Du classique de chez classique.

Il y a des points de vie et de magie, de l’initiative pour les combats, des sorts et des rituels, et ainsi de suite. Rien que des choses qu’on a vues ici et là ces dernières années. Oui, mais ici… c’est bien.

C’est tout mimi, les illustrations, parfois !

Pourquoi ? Tout simplement parce que le système tout entier est au service de la simulation de JRPG. En premier lieu, il faut créer l’univers de jeu : là, on est dans l’optique d’une narration partagée. Chaque joueur contribue à la création d’univers, et le jeu propose d’emblée plusieurs atmosphères : high fantasy, natural fantasy et techno fantasy (on pense facilement à final fantasy, secret of mana et skies of Arcadia, par exemple). Pour chacune, on vous donne des pistes pour créer des personnages joueurs dans le mood, mais aussi leurs adversaires. La narration est guidée par des principes fun avant tout : il s’agit de vivre une aventure où les personnages grandissent, dépassent leurs différences et affrontent ensemble un péril menaçant leur monde entier.

La création de personnage, très simple, vous permet de définir des éléments qui vous donneront un bonus dans certaines situations : votre origine, votre identité et votre thème. Le thème, c’est quelque chose de très sympa : jouez un perso dont le story-arc tourne autour de la Rédemption et vous pourrez exploiter cet aspect en cours de jeu pour bénéficier de bonus lorsqu’il cherche à se racheter. Rien de révolutionnaire, mais ça colle pile à l’atmosphère.

Les personnages disposent également de liens, un système de relation très simple mais parfaitement raccord avec l’univers des JRPG pour représenter leur attachement ou leur aversion envers des PNJ, voire des organisations, des pays, etc. Encore une fois : une mécanique simple et solide.

A tout ceci s’ajoutent les points Fabula qui permettent aux joueurs de créer des éléments : un objet apparaît, un PNJ se présente, le groupe entend parler d’un érudit qui aurait la réponse à une question que tous se posent… Bref : le petit coup de pouce narratif qui permet aux joueurs d’intervenir dans l’intrigue sans pour autant tout foutre par terre : en effet, ces règles sont très bien expliquées et encadrées (pour certaines interventions, il faut par exemple obtenir l’accord du MJ).

Heidi et Pierre étaient bien décidés : ils allaient casser la gueule à Séphiroth.

A la lecture du livre de règles, les mécanismes s’enchaînent et tombent sous le sens : c’est clair, c’est facile, et tout est orienté vers le fun. Pas de mort de personnages joueurs, sauf si les joueurs qui les interprètent le souhaitent, et en général, leur sacrifice ultime permet de sauver le monde. Les règles de magie permettent à la fois d’utiliser des sorts tout faits et de recourir à une magie plus souple (celle des rituels) qui laisse énormément de marge de manoeuvre.

Les illustrations, très réussies, mêlent le style manga traditionnel à quelques illus chibi, et même à des objets en pixel art. Mon seul regret, c’est qu’il n’y en ait pas davantage (mais le bouquin est déjà bien fourni). A tout ceci s’ajoute un bestiaire traditionnel mais très clair et bien fichu, de nombreux conseils et une foule de règles optionnelles.

Une seule et unique réserve : le meneur de jeu va tout de même avoir du boulot, car le jeu ne propose pas de scénario… et pour cause, il est censé se dérouler un peu en bac à sable (avec des règles d’exploration encore une fois claires et simples), avec une bonne mesure d’impro. Il faudra donc tout de même avoir de la ressources, mais les règles offrent tellement d’exemples et de pistes que si vous êtes un peu habitué à maîtriser, ça devrait se passer comme sur des roulettes.

Et là où le jeu brille, c’est justement dans sa capacité à vous laisser faire à votre sauce tout en vous donnant une quantité considérable de matos : beaucoup mais pas trop, vraiment juste ce qu’il faut pour enflammer votre imagination et vous permettre de développer par vous-même.

Fabula Ultima a deux immenses qualités : tout d’abord, c’est un jeu classique (tous ses mécanismes, vous les avez sans doute vus autre part) mais dans le bon sens du terme. Si vous avez un peu peur des systèmes audacieux ou novateurs, vous serez à l’aise ici : même si le jeu utilise pas mal de petites règles astucieuses, on demeure dans le domaine des JDR traditionnels. Et en parlant de tradition, voilà le deuxième point que j’apprécie ici : Fabula Ultima vous proposer d’utiliser des clichés, des stéréotypes, ou plutôt un style très particulier, celui des JRPG, pour développer vos aventures. A la lecture, on imagine immédiatement comment faire une partie dans des univers connus : pourquoi pas jouer la suite d’un jeu vidéo qui nous a plu, ou placer l’intrigue dans un univers qu’on affectionne tout particulièrement ? (Ce qui me fait penser que ça permet aussi de recycler les artbooks de vos jeux vidéo préférés !)

Fabula Ultima est une boîte à outils énorme et modulaire (avec toutes ses petites règles optionnelles astucieuses), toujours élégante, toujours d’une grande clarté, toujours à l’avantage du fun.

Et voilà ce qui va me permettre de conclure : Fabula Ultima me donne l’impression d’un jeu tout à fait idéal pour l’initiation. Avec son esthétique de jeu vidéo, son utilisation de stéréotypes accessibles pour n’importe quel enfant ou ado, ses règles limpides et l’énorme marge de manoeuvre qu’il laisse aux joueurs, c’est un outil splendide, que je recommande vivement aux papas et aux mamans qui souhaiteraient faire découvrir le JDR à leurs chères têtes blondes… mais pas que ! De toute évidence, Fabula Ultima a tout ce qu’il faut pour développer des campagnes décomplexées, où le maître mot est fraternité : on a d’emblée envie d’interpréter des personnages héroïques et hauts en couleur.

C’est un petit jeu que je n’attendais pas, qui sort un peu de nulle part, et qui fait parfaitement ce pour quoi il est conçu : reproduire l’atmosphère, et même l’émotion, des JRPG. Une belle mécanique servie par des illustrations tellement agréables qu’on en voudrait davantage, et une superbe surprise en ce qui me concerne !

Ils venaient de par-delà la tombe !

Pas à dire, les titres en anglais, faudrait pas les traduire !

D’autant que le titre de ce jeu “They Came From Beyond the Grave” (en gros, ceux qui venaient d’outre-tombe) est en réalité un jeu de mots sur le précédent jeu de la gamme, They Came From Beneath the Sea, qui parodiait les vieux films de SF/horreur des années 1950.

J’avais très envie d’aimer They Came From Beyond the Grave d’Onyx Path Publishing. Ce jeu vous propose de jouer des récits d’horreur inspirés des films de la Hammer. Son originalité consiste à donner un ton humoristique aux parties, en insistant sur les acteurs cabotins, les répliques un peu lourdingues et le côté involontairement hilarant de ces films.

Autre détail : on peut y interpréter les personnages « en double », une version dans les années 1970, et leurs ancêtres ou doubles au 19e siècle (les récits de personnages réincarnés étant souvent de mise dans les vieux films fantastiques).

Quand vous jouez à Guillaume Tell, n’oubliez pas la pomme.

Très intelligemment, les auteurs expliquent d’emblée qu’on ne peut pas forcer l’humour : ça ne fonctionne pas. Ils ne donnent pas vraiment de pistes pour le favoriser non plus, ce qui n’aide pas vraiment. Heureusement, le jeu propose deux mécanismes qui vont pousser un peu le truc : des “quips”, des répliques complètement cheesy et lourdingues que les PJ peuvent placer pour gagner des bonus assez considérables (surtout si on les multiplie), et des “effets de style” qu’on peut jouer pendant la partie pour simuler des effets cinématographiques : on revient en arrière, un perso était en fait absent, un cascadeur remplace un des acteurs qui bénéficie donc de meilleurs chances de réussir une tâche physique…

On a également une série de références cinématographiques passionnantes : les auteurs ont bien synthétisé tout un courant et en proposent une lecture agréable au travers de ses stéréotypes. On trouve d’ailleurs un excellent bestiaire classique du film d’horreur des seventies, qui compte les passages obligés (Dracula, la momie, la créature de Frankenstein, etc.). De ce côté-là, c’est plutôt pas mal, et les suppléments de la gamme proposent quelques originalités (dont la possibilité de jouer plutôt dans les Slasher des années 80).

Un argument essentiel des films de la Hammer : l’érotimste.

Malheureusement, les points positifs s’arrêtent là. Le système, héritier de celui du monde des ténèbres, utilise des d10 avec une réussite sur 8 ou plus. Il est expliqué laborieusement, avec une maquette pas vraiment folle qui n’aide pas à se repérer dans ce qui est essentiel ou secondaire. Des règles déjà assez pesantes deviennent réellement indigestes. La création de perso est vraiment laborieuse, a fortiori si on détaille son background comme le préconise le jeu. Pas de génie dans cette resucée de Vampire & Cie : des règles à l’ancienne, saupoudrées de quelques originalités tout de même et d’une volonté d’aller vers le “oui mais”. Mais la rédaction de l’ensemble, totalement dépourvue de volonté synthétique, est un énorme frein.

On a tout de même différents systèmes donnant des pouvoirs aux PJ, mais tout ça est complexe et mal hiérarchisé : les pavés de texte se succèdent pour expliquer la possibilité de prendre le contrôle narratif, d’utiliser les quips, les mouvements de caméra, etc. Il y a une foule de sous-systèmes qui viennent se greffer aux règles de base plutôt que de les prolonger.

Aucune volonté de résumer : il n’y a pas, par exemple, de page résumant la création de perso (un classique dans les jeux lourds), et j’ai eu beau chercher partout, je n’ai pas trouvé d’écran du MJ (c’est peut-être que j’ai mal cherché… mais c’est une des rares fois où je me suis dit qu’il fallait un écran pour jouer). Le jeu multiplie les petites règles complexes du genre : quand vous utilisez un “quip” (une des fameuses citations à placer), si vous obtenez une réussite, vous avez tel bonus, mais au bout de trois il y a un effet différent, et ça peut se transformer en avantage différent, mais vous ne pouvez pas l’utiliser plus de cinq fois sans que…
Note : il existe tout de même des cartes résumant les quips et un certain nombre d’effets… mais ça ne suffit vraiment pas.

Tout ça est décrit très longuement, alors qu’un petit tableau ou trois lignes de résumé auraient suffi, et des règles déjà assez pesantes deviennent carrément lourdingues. Le background est décrit pas de petites nouvelles… un tic rôlistique que je déteste… Je les ai vite survolées : ça ne vole pas bien haut et la volonté de pastiche l’emporte de très loin sur la qualité. Un mauvais point pour Griffondeplomb.

L’aspect “méta” du jeu (on joue des personnages… qui sont en fait des acteurs puisqu’ils peuvent utiliser des cascadeurs ou des effets de caméra) est maladroitement posé. Très loin de l’efficacité d’un Bimbo où tout est clair d’emblée (on joue les actrices, pas les personnages), ici on est toujours à cheval entre le côté méta et le côté premier degré.

T’entends pas comme quelqu’un qui se fait tuer, derrière nous, Ginette ?

Or, cet équilibre délicat que maîtrisaient (pas si adroitement que ça, en fait) les films de la Hammer et autres machins d’horreur loufoques de l’époque, est vraiment difficile à préserver dans le cadre d’un JDR, et dans celui-ci en particulier. Et ça se ressent dans les illustrations, toutes très premier degré. On a bien des affiches pastiches avec des titres ronflants (“Fear the Angel of Death !”), mais c’est tout. A la table, les quips vont certainement accaparer l’attention des joueuses (en tout cas c’est sans doute l’effet que ça me ferait), mais ira-t-on bien plus loin ?

Je doute de jamais le savoir : le gros pavé indigeste qu’est They Came from Beyond the Grave m’a tué l’envie d’essayer. On a souvent l’impression que je suis toujours fan de ce que je lis, mais c’est tout simplement parce que je ne parle que de ce qui me plaît réellement. J’enfreins cette règle pour ce jeu particulier, qui m’a vraiment déçu. J’attendais un système élégant à la Fria Ligan ou PbtA, un système qui codifie les stéréotypes d’un genre pour les reporter à la table, mais j’ai obtenu un ensemble d’outils sans guère de cohérence, et très mal fichus.

Les règles du polo étaient bien différentes dans les années 1970.

L’héritage des jeux à l’ancienne plombe TCFBTG, et ça se voit. Pour créer un personnage, le choix d’archétype est maigre (cinq seulement, mais on les associe à des origines différentes). On vous propose ensuite, pour définir le personnage, de le décrire dans un grand luxe de détails : qu’est-ce qu’il aime, sa description physique, son passé ultradétaillé… et ce, pour deux versions de lui-même puisqu’il doit exister au 19e siècle et dans les années 1970. D’ailleurs, cet aspect n’a pas d’intérêt particulier ni d’application claire : c’est un gimmick que les règles n’exploitent pas de manière mécanique. Il faudra s’en satisfaire (à moins que le passage qui en parle ne soit caché au milieu de ce texte laborieux : après avoir lu en détail au début, j’ai fini par survoler beaucoup sur la fin). On est très loin des personnages extrêmement clairs et typés des jeux les plus récents : la création de perso est particulièrement pénible et ne présente pas énormément de moments forts (le choix des quips étant le plus fun).

Bref… On a là un héritier des verbeux volumes du storyteller system : beaucoup (BEAUCOUP) de blabla pour présenter un système qui n’est pas à la hauteur de ses ambitions et que je trouve assez dépassé techniquement. Alors que les jeux OSR nous ont appris à dégraisser un système de manière efficace pour obtenir un condensé de fun, que les PbtA proposent de transposer les tics d’un style fictionnel sous forme de règles et que les jeux Fria Ligan inventent des mécanismes novateurs comme les effets de la peur, alors que tous les jeux proposent désormais des outils permettant de faciliter la cohésion d’un groupe de joueuses… On a ici un système plein de gimmicks mais sans réelle saveur ni cohésion, des descriptions qui tirent atrocement à la ligne et un jeu qui se dégonfle comme un soufflé abandonné depuis huit jours.
Au bout du compte, j’en viens à me demander si le sujet était si riche qu’il y paraissait.

J’ai trouvé LE jeu de fantasy fun que je voulais depuis si longtemps (Land of Eem), et j’ai bien cru que TCFBTG me ferait le même coup pour les jeux d’horreur… raté. Pas de bol, le jeu traîne encore les casseroles du monde des ténèbres, et n’a pas vraiment réussi à faire dans ces vieux pots une meilleure soupe que d’excellents jeux tels que Monster of the Week ou Sombre.

Eh ben merde alors, elles sont toutes pitites, mes fiancées. Toutes pitites pitites.

Il reste quelques trucs à exploiter à l’intérieur, et l’envie de faire mieux, plus simple, plus fun. Grosse déception ! On va chercher d’autres jeux d’horreur bien fichus, qui tentent des choses originales plutôt que ce gros volume verbeux et somme toute relativement creux.

22/11/63 – Le Stephen King que j’avais laissé de côté

J’ai enfin terminé 22/11/63, à force de le lire à dose homéopathique les soirs (je m’endormais souvent au bout de 4 ou 5 pages même si c’était formidable, et du coup, j’ai beaucoup lu le matin avant que ne sonne le réveil, en fait).

Bon, alors déjà le pas bien. La traduction est bonne et pas bonne, c’est la traduction de Schrödinger. Elle a été critiquée pour l’emploi de termes un peu pas terribles (par exemple, un mec qui dit “Hé, copain” pour “Hey buddy”, oui c’est super chelou pour les générations actuelles mais… mais je vous cache pas que ça se disait il y a longtemps, dans les cours de récré, et qu’un personnage qui aurait conservé ce tic a , du coup, un cachet particulier : bref, ça, ça ne m’a pas gêné), la substitution de termes de culture française pour des termes américains (genre des noms commerciaux, je n’ai pas noté lesquels), mais surtout, un truc qui m’a freiné dans ma lecture : le mélange constant du passé composé et du passé simple. Je ne comprends pas pourquoi, dans un même paragraphe, ça passe de l’un à l’autre, et ça a été extrêmement perturbant au début. On a aussi un personnage qui balance des “J’ai pas fait”, “Je pensais pas que”, etc. alors qu’il est prof de langue natale (anglais, donc transposé en français) et qu’on est dans le registre de l’écrit. Ca fait vraiment bizarre et voilà, ça m’a un peu interloqué au début. Je me suis dit qu’il s’agissait de choix (parce que la trad reste quand même fluide et lisible, et que si tu es habitué.e à lire plutôt en français, ça ne va pas te retourner le cerveau), mais je ne comprends pas d’où ils viennent, ces choix. Est-ce que le texte est vraiment un peu foireux, est-ce que c’est moi qui le critique trop, et à quoi ressemble la VO ?

Peut être une image de 4 personnes et texte



Je ne peux pas vous le dire, parce qu’une fois embarqué dans cette lecture, je n’ai pas pu décrocher.

J’y allais à reculons, mais au bout d’une vingtaine de pages, il était hors de question de perdre du temps à prendre le bouquin en VO plutôt qu’à suivre l’intrigue).

Une intrigue qui est TRES loin de ce que semble vendre le bouquin, en fait. On va vous raconter un peu partout que c’est le portrait de l’Amérique, blablabla, et patati histoire politique par-ci, et patata angle intéressant sur un événement et sa possible portée par le prisme de la fiction par-là… Vous aurez un peu l’impression que ce bouquin parle beaucoup de Lee Harvey Oswald et de Kennedy.

Selon moi, rien n’est plus faux.

Parce que je n’en ai strictement rien à battre d’Oswald et de Kennedy, comme de toutes les grandes figures historiques. C’est un point de vue que je pourrais développer ailleurs, mais je ne pense pas du tout que l’histoire repose sur les actes d’UNE personne comme le sous-entend une bonne partie de la fiction des zétazinis.

King n’est pas de cet avis, et ce bouquin est en réalité un bouquin sur le thème de la responsabilité personnelle et du contrôle de notre vie (et par ricochet de celles d’autrui) par nos actes. Il y a effectivement un passage consacré à Oswald : il arrive à un point marquant du récit, et on y voit King dégobiller une synthèse de dizaines d’ouvrages consacrés à cette page de l’histoire, de façon un poil artificielle selon moi (c’était le passage le moins intéressant), mais nécessaire malgré tout pour brosser le portrait DU meurtrier emblématique des US et poser la légitimité et la solidité de son intrigue. Je me suis un petit peu fait chier durant ce passage, mais c’était un mal nécessaire.

Tout le reste du bouquin est l’histoire personnelle et poignante d’un mec qui n’a plus grand chose à perdre, qui décide d’accomplir un acte extraordinaire et qui se rend compte que sa vie ne fonctionne pas à la même échelle que l’univers, que les rouages qu’il bidouille sont bien plus compliqués et pervers que prévu.

Oui, c’est l’histoire de l’effet papillon, mais c’est beaucoup plus futé que ça. Le papillon de l’histoire, c’est celui que Jake Epping a dans le ventre comme on dit en zétazinien, mais je ne veux pas vous spoiler tout ça parce que ça arrive d’une façon très intéressante.

C’est du King, bien sûr, mais le meilleur du King. Déjà parce qu’en début de roman il pose les règles du voyage dans le temps et définit une base solide sur laquelle le reste du récit va s’appuyer… ou pas (King reste King).

Ensuite, c’est une intrigue extraordinairement resserrée : ça pourrait facilement tenir dans un film genre “C’était demain” (le love cosmique sur ce film), et le réal changerait sans doute la fin par rapport au roman, et il aurait tort, poutrin, tort tort tort parce qu’il s’agit tout simplement d’une des fins les plus fortes de King, je l’ai beaucoup aimé même si je lui aurais bien mis une grosse calotte de cow-boy pour m’avoir fait ça.

Bref, j’ai adoré, et clairement, 22/11/63 se place à côté du Fléau et de Ca, qui sont mes King favoris. Peut-être même que c’est son meilleur, je ne sais pas (il y en a beaucoup que je n’ai pas lus).

Tout ce que je peux vous conseiller, c’est de le lire (en VO si vous pouvez, mais je vous promets que mes pinaillages sur la VF ne sont que des pinaillages : la SF des années 60 a survécu à beaucoup de trads parfois plus hasardeuses que celle-ci) et de vous attendre à ce genre d’expérience que j’apprécie le plus chez King : vous allez côtoyer des personnages extraordinaires, et curieusement, Oswald et Kennedy ne sont que des troisièmes ou quatrièmes rôles sans la moindre importance (ou presque). Un grand, un TRES grand roman que j’ai lu après avoir potassé le bouquin de Yannick Chazareng sur le King, un guide de lecture parfait.

Sandy Julien

Sandy Julien

Traducteur indépendant

Works in Progress

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