Étant donné que le jeu de rôle adapté de la saga des Lames du Cardinal arrive sous peu, et que j’aimerais bien voir de quoi il retourne (c’est chez Sans Détour, il y a du Mahyar Shakeri dedans – un mec que j’apprécie énormément, et c’est dans une boîte. Je répète pour que ceux du fond aient bien le temps de lire : une boîte), il fallait bien que je me penche sur l’œuvre de Pierre Pevel, pour savoir ce que cet univers pouvait avoir de si fascinant. Ça tombe bien, les Lames sont sorties en poche (et attention, parce qu’une lame dans la poche, ça picote quand on veut prendre ses clefs de voiture par exemple) et je me suis remis à lire pas mal il y a peu de temps.

Comme on dit chez tonton Howard Philip : les astres étaient propices.

Le suspense n’étant pas vraiment mon fort (ni mon objectif : c’est une critique, pas un whodunit…), je dirais donc immédiatement que le premier roman m’a beaucoup plu. Pevel succède à Dumas avec un talent de conteur formidable, déployant dès le début du roman une foule de personnages mémorables et attachants. Il faut surtout lui rendre cette qualité rare : il sait mener l’intrigue tambour battant, sans aucun temps mort, à tel point d’ailleurs que contrairement à nombre d’œuvres de fantasy, celle-ci doit être lue d’un œil toujours vigilant, de peur de manquer quelques petits détails de l’action ou quelque révélation…

Et de révélations, les Lames du Cardinal n’en manque pas. On dit souvent d’une œuvre qu’il s’y passe toujours quelque chose, mais c’est précisément le cas ici. On ne trouvera dans les Lames du Cardinal aucun dialogue creux, aucune scène d’introspection pénible, et au final, quasiment rien à jeter. Sur ses quelques 400 pages, le roman est dense, à la manière de ceux de Dumas : les péripéties s’enchaînent sans temps mort, et dès que le lecteur a pris le temps de souffler lors d’un petit dialogue, les personnages se remettent en mouvement, et avec eux l’intrigue. C’est d’ailleurs l’un des détails qui m’ont frappés : tout ce petit monde ne cesse de bouger, à l’exception notable du Cardinal, autour duquel tout gravite. Le mouvement est permanent.

Le style est donc efficace, sans lourdeur, avec ces petites touches historiques mais pas désuètes. Les seuls passages qui m’ont parfois ennuyé étaient ceux qui reproduisaient les itinéraires dans Paris : même si la leçon d’histoire est administrée de belle manière, on n’en a pas moins l’impression de suivre les indications d’un GPS du XVIIe siècle. « Et il tourna par la rue de machin pour emprunter le boulevard de trucmuche » : j’imagine qu’on peut prendre plaisir à arpenter Paris le bouquin à la main, mais pour le petit provincial que je suis, j’avoue que ça tombait plutôt à plat (mais je suis notoirement insensible à la géographie urbaine, donc il ne s’agit en aucun cas d’un défaut du récit).

Bref, un roman si pétillant, si dynamique, si rôliste (eh oui !), qu’il m’a évoqué non seulement Dumas (Alexandre, pas Mireille), mais les Secrets de la 7e mer, et aussi les films de cape et d’épée qui ont bercé mon enfance (et vu le nombre de trucs chelous qui l’ont bercée, pas étonnant que j’aie pas beaucoup dormi à l’époque).

Des défauts ? Curieusement, certains aspects fantastiques de l’univers (en particulier sur la fin) m’ont laissé de marbre. Mais peut-être est-ce justement là le génie de l’auteur : son univers paraît tellement crédible que les détails comme la ranse ou les dragons s’effacent au profit des personnages, qui ne cessent de surprendre, qui en révélant une allégeance inattendue, qui en dévoilant un lourd passé.

Quoi qu’il en soit, je lirai avec plaisir la suite de ce cycle, en attendant de voir paraître le jeu de rôle.

À lire si…

 

Vous aimez les univers élégants et originaux.

– Vous aimez les romans de cape et d’épée.

– Vous aimez les histoires pleines de rebondissements.

À éviter si…

– La fiction historique vous laisse de marbre.

– Vous préférez l’introspection à l’action.

– Vous êtes un salaud d’espion à la solde des dragons d’Espagne.