Strange Venom Wins Thanos

Thanos m’a toujours royalement gonflé. Déjà parce que je suis plutôt fan de Darkseid (son jumeau côté DC comics, dont il tire une bonne partie de son look, que je n’ai jamais trouvé très inspiré, étant bien moins séduit par l’oeuvre de Jim Starlin, son papa, que par celle de Jack Kirby). Ensuite parce que j’ai toujours trouvé le principe du personnage un peu tarte : Thanos a été plus ou moins éduqué par la mort, et il est amoureux d’elle. Parce que Thanos/Thanatos, voilà voilà… et alors son frère qui est beau, il s’appelle Eros, et Thanos est très jaloux…
Oui, bon, je simplifie à outrance, et quand on simplifie à outrance, on obtient des trucs complètement cons. Mais là, on part quand même d’un matériau qui manque de richesse, on va dire. Ca n’a pas empêché Starlin de développer une mythologie sympa, mais que ce soit visuellement ou dans le fond, elle me séduit beaucoup moins que celle élaborée par Kirby pour ses New Gods. Aujourd’hui encore, quand je relis les BD des New Gods (et à peu près n’importe quelle planche de Kirby), il en émane une énergie phénoménale, et surtout, une sorte d’effervescence angoissée. Un sens des proportions délirant, à la fois juste et absurde, des visages souvent torturés, et ces fabuleuses “machines de Kirby” dont la technologie ne ressemble à rien de connu (et qui projettent toujours une énergie symbolisée par de petites bulles noires sur un fond coloré…), le tout dans une composition incroyable qui ne fait pas que remplir l’espace : elle le bourre à craquer, au point qu’on entend presque les bords de la case gémir, qu’on s’attend à ce que tout ça nous saute à la gueule.
Est-ce que je viens d’écrire que Kirby bourre l’espace ?
Ben oui, poutrin ! Et L’ESPACE EN REDEMANDE ! Non mais regardez cette illus de dingue : il y a des gus tête en bas, d’autres qui se foutent sur la gueule comme des chiffonniers en déchirant du métal, une main qui a l’air d’exploser, une énergie rose qui grille apparemment la tronche d’un autre type… ET JE TE RAJOUTE DES ONOMATOPEES SI JE VEUX !

Tiens, même les onomatopées… Dans l’univers des New Gods, le moyen de déplacement, ce sont les “Boom Tubes”, des portails de téléportation qui produisent un bruit caractéristique. L’onomatopée n’est pas que l’illustration d’un son, elle s’intègre à la réalité de l’univers, elle…
C’est bon, on a compris, j’adore le trait de Kirby et ses personnages à la fois torturés et nobles. Et du coup, pour moi, Thanos est une pâle copie de Darkseid. Darkseid court après l’équation de l’antivie, la matérialisation mathématique du néant et de l’entropie, tandis que Thanos court après les gemmes du pouvoir du fameux gant que tout le monde connaît désormais.
Je me suis beaucoup fait chier en lisant les nombreuses sagas consacrées à Thanos. Leur seul intérêt consistait pour moi à faire cohabiter de nombreux superhéros dans un même récit, mais le tout tenait du pétard mouillé à mes yeux. Dans ces intrigues, tout prenait immédiatement des proportions immenses et tragiques. Et comme le dit Lacenaire dans les enfants du paradis, la tragédie, c’est quand même un petit peu chiant : “tous ces gens qui s’entretuent sans se faire le moindre mal…”, dit-il.
Au passage, si vous croyez que le méchant incompris, l’incel de base, date de ces dernières années, regardez un peu ça (c’est assez rigolo, la diction, la gestuelle, tout cela est bien daté, et puis ça a été tourné en France sous l’Occupation…). Ce monologue effroyable, tempéré uniquement par la légèreté de la réaction d’Arletty dans le rôle de Garance :
Si vous ne savez pas d’où sort l’archétype du méchant moustachu qui se tripote la nouille en parlant de sa propre grandeur, en voilà un très bel exemple (le film est vraiment génial si vous supportez les vieux machins en noir et blanc).
Oui, bon, enfin bref : je ne suis pas fan de Thanos. Aussi, lorsque mon ami comicologue me proposa de lire “Thanos Wins” avec Donny Cates au scénario, je me méfiai. Au passé simple, temps du récit, et tout et tout.
Mais Aurélien est de bon conseil, et j’ai donc tout de même tenté le coup. Je voyais arriver un univers alternatif, penchant du côté des “Old Man Logan” (excellent) ou des “Marvel Zombies” (assez drôle si on aime les récits nihilistes et les “What if”), et je ne me suis pas vraiment trompé. Thanos va dans le futur, blablabla, il est confronté à une autre version de lui-même, etc., etc., air connu, nanani nanana.
Et là, Donny Cates.

Et Donny Cates n’écrit pas de tragédies. Il écrit des comédies. Parce qu’il sait que quand on parle de sujets qui font mal, c’est comme ça qu’faut faire. Le rire, instrument perfide du scénariste qui veut vraiment vous remuer. Le rire éclatant, le rire devant l’absurdité… L’absurdité d’un personnage qui croit aspirer au néant et le crée autour de lui sans jamais toucher au but. L’absurdité du destin tout tracé : quoi que tu fasses, ça finira comme ça. L’absurdité d’un personnage au crâne en feu et dépourvu de tympans, mais qui entend quand même ce qu’on lui dit.

Un grand éclat de rire. Aussi sonore, sans doute, que les cris des personnages dessinés par Kirby. Et un sens de la complicité avec le lecteur qui s’installe en exploitant non pas des thèmes cosmiques, mais au contraire des détails insignifiants. J’ai adoré Thanos Wins, un récit court, ramassé sur lui-même, mais qui offre une perspective inédite sur le personnage de Thanos (un peu comme l’a fait le MCU en lui donnant davantage de substance, ainsi que des idéaux un peu moins absurdes, même s’il emploie toujours des moyens illogiques pour tenter de les atteindre). J’ai donc enchaîné avec son run sur Dr Strange, rassemblé dans un TPB qui regroupe les épisodes 381-390 et la minisérie Damnation. Pourquoi ? Eh bien comme souvent, je me suis laissé attirer par la couv’, tout simplement. Les premières pages (consacrées à Loki, devenu sorcier suprême à la place de Stephen Strange, lequel se teint les cheveux et travaille désormais comme vétérinaire… WTF ?) m’ont immédiatement convaincu de la qualité de l’écriture. Des dialogues souvent hilarants, et surtout une intrigue qui ne nécessite pas d’avoir lu quoi que ce soit d’autre pour comprendre l’ensemble de l’histoire… Tout ça avec des enjeux cosmiques quand même, et l’intervention en cours de récit d’un certain nombre de personnages périphériques (l’équipe rassemblée pour aller secourir Strange dans Damnation est un gloubiboulga assez surprenant…).
On y voit entre autres surprises, l’intervention de Sentry, un personnage qui me sortait par les yeux lorsqu’il est apparu dans les comics Marvel. Petite parenthèse. Sentry était une sorte de Superman que les scénaristes ont fait passer pour un ancien personnage Marvel que même Stan Lee aurait oublié. Pour faire passer le gag, ils ont même fait apparaître d’anciennes cases de “vieilles BD de Sentry” (avec un look adapté) et tout le toutim.
Un petit peu comme les épisodes de Supreme d’Alan Moore, mais sans le recul et le talent. Bref : retrouvez plutôt Supreme par Alan Moore (pas la peine de trop vous pencher sur le reste des épisodes du comics, qui sont plutôt euh… marqués par les tendances les moins intéressantes des années 1990, pour être poli).
Bref, il y a là Sentry, Blade (présenté de façon plutôt rigolote, face à Elsa Bloodstone, qui est furieusement inintéressante), l’Homme-Chose et plein d’autres gus qui arrivent quand même un petit peu comme un cheveu sur la soupe, mais qui restent plutôt plaisants à regarder, même si c’est un peu forcé.

Tout ceci fonctionne très bien, et il y a de bien belles surprises au dessin (Gabriel Hernandez Walta, dont vous voyez quelques cases ci-dessus, fait un boulot exceptionnel, et les autres ne déméritent pas non plus), ça tire un poil en longueur avec le story-arc de Damnation, mais c’est vraiment très très bon, et souvent très drôle. Bats, le chien qui parle, est tout simplement formidable, et Cates met habilement le doigt sur l’hubris de Strange pour en faire un personnage réellement intéressant (qui lorgne quand même beaucoup du côté du John Constantine de DC dans sa façon d’exploiter ses amis…). Les amateurs de récits de sorcellerie avec panoplie mystico-cabalistique ne devraient pas être déçus.
Bon bon bon. Cates, c’est donc une valeur sûre. Du coup, je pouvais m’attaquer à un récit qui ne me faisait pas, mais alors pas du tout envie. Le premier arc de Venom par Cates. Aurélien me l’avait chaudement recommandé, mais j’y allais quand même à reculons. Je n’aime pas Venom. C’est peut-être pour ça que j’ai beaucoup apprécié le film éponyme (un film que beaucoup qualifient de “film des années 1990”, et ils ont tout à fait raison : c’est aussi bas de plafond, c’est très drôle, c’est irrévérencieux tout bien comme il faut et ça m’a donné très envie de voir une suite). En outre, je ne me suis jamais trop intéressé à ce personnage et je me disais que j’allais me sentir paumé.
Et là, Donny Cates. Kraka-boom.

J’ai commencé par le TPB regroupant les 6 premiers numéros de la série Venom. Il m’a quand même fallu passer le cap des dessins beaucoup trop nineties, justement, de Ryan Stegman. Je ne suis pas client du tout, je trouve le trait inutilement foisonnant, et ça me rappelle beaucoup les pires produits de la période post-Image comics. Heureusement, à côté de ça, la mise en cases est efficace, lisible, avec un rythme que je trouve parfait, et un équilibre idéal entre texte et dessins.
Oui, parce que s’il y a bien un truc que je déteste, ce sont les textes à rallonge dans les cases. Ces dialogues interminables, ces loooooooooongs textes qui ne mènent à rien ou qui expliquent laborieusement ce que le dessinateur a souvent très mal dessiné (à force de tenter de faire rentrer trop de sens dans une case, que ce soit par le texte ou par l’image, on obtient un truc illisible), ça me sort complètement du récit. Je ne compte plus les comics des années 1990-2000 que j’ai posés après avoir subi des pages de bulles bourrées à craquer de texte complètement insipide (le pire, ce sont les cases où un présentateur de journal télé explique l’intrigue… Je préfère encore qu’on me mette une case de texte expliquant : “Pendant ce temps, Peter Parker lave consciencieusement ses slips sales”).
Rien de tout ça, ici. Encore un grand écart entre l’intime et le cosmique dans l’intrigue, puisqu’on part de la relation qu’entretient Eddie Brock avec le symbiote baptisé Venom pour finir avec un péril à l’échelle galactique qui se déchaîne au niveau local (sous une forme que je trouve plus lovecraftienne que draconique, d’ailleurs). Et Cates de conclure son récit par une version revisitée de la nature du symbiote. C’est une TRES bonne surprise, qui va chercher tout ce que le personnage peut donner d’intéressant et qui ne perd jamais le lecteur : tout est fréquemment résumé, et on n’a pas l’impression d’avoir raté quoi que ce soit. Même si vous n’avez jamais lu de comics consacrés à Venom, il vous suffit de connaître les bases du personnage pour comprendre tout ce qu’il y a à comprendre sans être complètement largués.
Conclusage de cette lisure de comisques ? Donny Cates rulez, comme vous dites, vous les jeunes. Je vais bien évidemment suivre la carrière du gus, en commençant par la suite de son run sur Venom. Je vous recommande de tenter le coup, parce que c’est vraiment très bon, souvent un peu gore, toujours plein d’humour et d’humanité.
Mais il n’y a pas que Donny Cates dans la vie ! Demain, d’autres découvertes ou re-découvertes comiquesq… comiquisti… de bandes dayssinays !
Les Ziqusemènes, ç’ay compliquay

Comme je le disais hier, j’ai toujours été fan de comics, et en particulier des comics de chez Marvel. Ces dernières années, ma consommation de comics a toutefois cruellement stagné. Les héros de l’écurie Marvel, de plus en plus focalisée sur des “events”, de grands crossovers rassemblant plusieurs héros (voire une foule de héros divers et variés), ont perdu en lisibilité, pour moi.
Pour tout dire, ça fait déjà quelques années qu’il m’est plus agréable de suivre leurs aventures au cinéma que sur le papier (excepté lorsqu’il s’agit de relire de vieux trucs aux pages cent fois feuilletées). Là, au moins, j’ai l’impression de retrouver les héros “d’autrefois” : des personnages qui interagissent avec des êtres humains plutôt que des pions dans un gigantesque échiquier dont il faut suivre tous les coups pour avoir une vague idée de ce qui se passe.

Je me suis malgré tout laissé tenter par un événement centré sur les X-Men : House of X/Power of X. Le principe était simple : un événement sur six numéros, répartis sur deux séries, et dévoilant un élément stupéfiant de l’univers des X-Men. J’en avais entendu parler sur un blog, et le pitch était intéressant : il tournait autour du Dr Moira McTaggert, un des membres du vaste “supporting cast” des X-Men de mon époque préférée (l’époque où Chris Claremont était scénariste, en gros). Ca vient de se finir récemment, et c’est effectivement un événement qui change la donne dans l’univers X-Men, et dans l’univers Marvel tout court. L’idée est fascinante et exploitée sous une forme euh…
À l’origine, j’avais écrit ceci pour cet article :
Sous une forme complexe si vous n’avez pas une grosse culture marvellienne. Et une culture assez récente. Et comme il s’agit d’une storyline éclatée sur plusieurs époques, et même dans plusieurs univers, le scénario étant présenté autant par les pages en cases que par des inserts de texte expliquant certains éléments, ou laissant planer le doute sur d’autres…
Eh bien c’est tout simplement illisible lorsqu’on le prend séparément de tout le reste. On est très très loin de la “méthode Stan Lee”, qui consistait à résumer, au début de chaque comics, sur les deux premières pages, l’intrigue en cours…
C’est très esthétique, ça parle d’enjeux à l’échelle planétaire, voire un petit peu cosmique, et il y a une foule de personnages qui font des choses, qui complotent et intriguent chacun dans son coin, c’est bourré de références et d’allusions… et c’est assez complètement incompréhensible si vous n’avez pas suivi une bonne partie de l’histoire des X-Men ces dernières années. Il ne s’agit pas d’un jugement de valeur de ma part : manifestement, les fans américains s’accordent sur la qualité de l’intrigue, que je ne nie pas. Simplement, celle-ci est tout simplement invisible : elle ne repose que sur une infinité de bases posées ailleurs. En tant que relecture du mythe des X-Men, le récit apporte un sang neuf absolument épatant, tout en proposant une nouvelle option pour les X-Men. En gros : plutôt que d’être des marginaux et de lutter pour se faire accepter dans la société, ils s’affirment comme ayant le droit d’exister tout simplement… parce qu’ils existent. Il ne s’agit pas d’appliquer le dogme de Magnéto (éradication de l’homo sapiens au profit de l’homo superior) mais de trouver une autre voie. Si jamais le sujet vous intéresse, je vous recommande la lecture d’un article enthousiaste sur le sujet, ici.
Et c’est là que mon Raton Laveur Galactique préféré m’a interpelé :
Alors là je pense que c’est un cas de biais de confirmation assez flagrant. HoXPoX ne fait a peu près aucune référence à des histoires mutantes des 10 dernières années. A la rigueur, une poignée de personnages récents ont des rôles secondaires et y a une ou deux références à des micro-trucs ayant eu lieu y a de ça quelque temps mais c’est tout.
Tu crois que les choses que tu ne comprends font référence à des choses récentes alors que :
1/ soit c’est à des choses anciennes (voire parfois ayant plusieurs décennies dans les jambes
2/ soit c’est des choses que moi-même je ne comprenais pas en les lisant (et progressivement qui se révèle au fur et à mesure de la narration.
Ensuite, on s’est battus tous les deux, avec illustrations pleine page et onomatopées du genre “BIM”, “KATCHONKA”, “KERBLAST”, et ma préférée : “KRAKABOOM”.
Mais je vois tout à fait où est mon souci : ce qui m’a arrêté (comme un mur), c’est plutôt une quantité d’informations diffusées de façon complètement éclatée et donnant l’illusion du rattachement à des intrigues récentes. Comme me le disait le Raton Laveur : il faut avoir envie de s’impliquer, de jouer le jeu. Or, la complexité, le caractère délibérément impénétrable de la narration m’ont rebuté.
Bref : la lecture de House of X/Powers of X a été particulièrement laborieuse, pour moi. Je ne suis d’ailleurs pas arrivé au bout, et je crois que je me contenterai d’un résumé de la situation, car j’ai énormément de mal à m’investir émotionnellement dans des personnages qui semblent complètement détachés, voire inhumains (c’est assez flagrant lorsqu’on feuillette les épisodes de Powers of X, où les expressions du visage sont à peu près toutes identiques, le dessin de House of X étant bien plus expressif).
Après l’explication de mon ami, je me dis que la situation est bien plus compliquée que ce que j’envisageais, mais le récit me rebute toujours : il va me falloir un peu de temps pour trouver l’envie de m’y replonger (même si je n’écarte pas cette possibilité). J’ai eu l’impression que les scénaristes me balançaient un univers très compliqué, qui nécessite davantage de clefs qu’ils ne m’en donnaient, tout en présentant l’ensemble comme une énigme où il faut que j’aie envie de les suivre pour profiter du truc. Bref, ça n’a pas du tout fonctionné pour moi, et j’ai vraiment eu l’impression d’être à la ramasse.

Du coup, quand on fait cette constatation, on se sent un peu un vieux con, ou au moins un lecteur/une lectrice largué·e. Snif, finis les comics pour moi, je suis trop vieux ? Je croyais que c’était 77 ans, la date de péremption du cerveau ! LE JOURNAL DE TINTIN M’AURAIT MENTI ?
C’est là qu’intervient Ed Piskor et sa formidable série “Grand Design”. Ed Piskor est un fan des X-Men, il a compulsé toute la série depuis les premiers épisode des années 1960 jusqu’à aujourd’hui, et il a mis en place un projet assez épatant : résumer tout ça. Toute l’histoire des X-Men en quelques centaines de pages. Voilà qui me semblait beaucoup plus digeste : puisque je connaissais déjà l’histoire, je ne risquais pas d’être paumé. Cela dit, est-ce que je ne risquais pas de me faire un peu chier à lire un gros résumé genre “Dans les 300 épisodes précédents” ?

L’expérience prouve que non. X-Men Grand Design est articulé de façon très “européenne”, avec une action qui file à Mach 3, pour donner un résumé fulgurant de la carrière des ziqusemène, comme on disait quand on prononçait l’anglais comme des gougnafiers. Piskor y intègre toutes les intrigues et les retcons développés au fil des ans chez Marvel (excepté ce qui se passe dans House/Power of X, mais compte tenu des pouvoirs de Moira McTaggert que l’on découvre dans ces derniers, ça fonctionne quand même, à bien y réfléchir), et offre un aperçu des premières années de l’équipe (jusqu’aux événements précédant son passage sur l’île de Krakoa… qui figure en bonne place dans House/Power of X, ah ben ça alors !). La série s’est poursuivie avec “Grand Design – Second Genesis” et “Grand Design X-Tinction”, que je vous recommande vigoureusement si vous lisez l’anglais et si vous êtes fan des années Spécial Strange des X-Men (en plus, vous pouvez vous procurer ça sur Kindle pour une bouchée de pain, moins de 12 euros pour l’intégrale en ce moment, ici, là et là). Le style foisonnant de Piskor, sa vision des costumes et des éléments emblématiques de l’histoire des X-Men, confèrent un immense charme à ce “X-Men : la version abrégée”. Si vous optez pour une version papier, sachez qu’elle adopte également un format différent, plus grand que celui des comics. L’utilisation de la couleur (et du “vrai blanc” en particulier) est formidable.

Après un rendez-vous manqué avec House of X/Powers of X, Grand Design m’a réconcilié avec l’écurie Marvel. Mais il ne s’agissait que d’une ruse, finalement : lire une version remaniée d’un truc que je connaissais déjà, c’est de la triche. C’est là qu’intervient l’excellent Aurélien Vives, qui est non seulement un mec absolument adorable, mais un connaisseur en matière de comics, auquel je me fie presque totalement lorsqu’il s’agit de bayday de superhéros.
Je le retrouvai donc comme d’ordinaire, juché sur une gargouille, surveillant la ville de son regard d’aigle, le vent faisant claquer ses… ses moustaches de raton laveur galactique. Il se tourna vers moi avec une expression indéchiffrable, et déclara :
“Je sais ce que tu es venu chercher, p’tit gars.”
Puis il plongea entre les immeubles, missile velu porté par les bourrasques, avant de disparaître dans les entrelacs chtoniens des ruelles de la ville, repaire des plus infâmes malandrins… Il avait toutefois répondu à ma question muette. Un seul nom.
Donny Cates.
À demain pour en savoir plus !
On se remet aux comics ?

Avant la sainte trinité de Goldorak, Albator et Ulysse 31, mon premier dessin animé coup de coeur, c’était Spider-Man, dans sa version de 1977 (dont certains épisodes comptaient au générique Ralph Bakshi, qui allait réaliser un peu plus tard une première – et très belle – adaptation du Seigneur des Anneaux de Tolkien). Mon premier contact avec les superhéros est passé par ce dessin animé qui adaptait très naïvement les aventures du Tisseur, et dont le personnage principal s’appelait Pierre Parker (à l’époque, on francisait tous les prénoms). Si vous voulez rigoler un peu (et entendre le splendide générique adapté en français et chanté par le Québecois Jacques Labelle), allez écouter les formidables doublages d’époque ici. La voix du Docteur Octopus vaut son pesant de tentacules. Et si vous voulez vraiment le gros choc culturel, allez écouter la chanson du dessin pseudo-animé consacré à Namor, prince des mers, ici (il s’agissait d’une des séries américano-canadiennes mettant en scène certains personnages emblématiques de Marvel dans des aventures où l’animation se limitait au strict minimum, c’est à dire un petit peu ce qui se faisait dans Papivole en France, hu hu hu).
Bref, j’étais fan de Spider-Man (et figurez-vous que je le suis toujours) à la taylay, mais j’ignorais encore l’existence des comics. Et puis un jour, je tombai par hasard sur un numéro de Strange où figurait le petit logo en forme de tête de Spider-Man…
Rouge.

Ce fut sans doute une des premières curieuses dissonances culturelles pour moi. À l’époque, nous avions (comme beaucoup de foyers français, on parle de la fin des années 1970, et fin 1977 pour être précis) une télé en noir et blanc à la définition baveuse. Et quand je dis “noir et blanc”, il faut plutôt penser “noir et verdâtre”. Les aventures de l’Arrrrrraignée, je les voyais donc en noir et vert. Et pour moi, Spider-Man portait un costume vert. Stupéfaction ! Il me fallut un certain temps pour accepter ça : je trouvais ces couleurs un peu… primaires. Quoi qu’il en soit, mon premier Strange présentait également un épisode de Daredevil, et il fallut que mon frère m’explique comment ça fonctionnait, la bayday. Je ne comprenais pas pourquoi le héros se transformait régulièrement en plusieur gus en rose chaque fois qu’il faisait des acrobaties… Ca n’était carrément pas logique !
La contemplation (la lecture allait venir plus tard, vu que j’entrais au CP l’année suivante et que je trépignais d’impatience à l’idée d’apprendre à lire) des cases de ce Strange fut une révélation : les comics, c’est vraiment n’importe quoi. Et j’adorais ça ! (Si vous voulez faire un petit tour en Nostalgie à peu de frais – moins de 15 euros -, procurez-vous d’urgence cet excellent bouquin, abondamment illustré, qu’est “Nos années Strange“)
Pendant toutes mes années scolaires, j’alternai donc entre les parutions Lug et Aredit : albums, mais surtout périodiques (Strange, Titans, Nova, Spidey…). Le seul truc qui passait avant les superhéros, c’était Rahan, que ma maman m’achetait et me piquait pour le lire aussi (mais il faut bien reconnaître que Rahan avait appris pas mal de choses chez les Amerloques, notamment dans le dynamisme des dessins et la mise en cases, avec ses dessins qui dépassaient régulièrement du cadre et ses monstres préhistoriques complètement anachroniques mais géniaux).
Bref, c’était une bien belle époque pour un gamin, car en France, les comics, et surtout les comics Marvel, connaissaient une période de vaste diffusion. En fin de collège, puis au lycée, je trouvai des camarades qui partageaient mon affection pour l’écurie Stan Lee et il ne fut pas bien difficile d’entretenir la flamme. Puis vinrent les années fac, où je chinais à Excalibur (à Dijon) mes premiers comics en anglais. J’étais un peu perdu devant la profusion de machins, d’autant qu’il s’agissait de la naissance d’Image Comics, où d’affreuses daubes (essentiellement comises par Rob Liefeld) côtoyaient des trucs un peu plus potables. Heureusement, il y avait deux magazines, Wizard et Hero, qui défrichaient un peu le terrain. Le problème, c’est qu’ils évoquaient également de vastes pans de la culture anglosaxonne qui me demeuraient totalement inaccessibles : à l’époque (je parle en gros de 1990-1996), pas possible d’aller trouver les films, émissions, dessins animés et autres dont parlaient ces magazines sur un internet qui en était encore à ses balbutiements… Il fallait donc se contenter de rêver devant les splendides photos d’un futur film des 4 fantastiques qui promettait (oui, je parle de celui de chez Corman, mais quand on voyait les photos, ça faisait illusion !) ou devant celles de séries de fantasy hors du commun intitulées Hercule ou Xéna…
Tout ça ne déferlerait que plus tard chez nous, mais la lecture des magazines permettait d’avoir un poil d’avance. Et on y découvrait aussi des pépites : Madman de Mike Allred, Bone de Jeff Smith, et le Sandman de Neil Gaiman ! C’était aussi l’époque des débuts d’Alex Ross : impossible de ne pas tomber en pâmoison devant la mini-série Marvels, qui bouleversait le paysage des comics. Pendant ce temps, les éditeurs de comics vivaient eux aussi une période complexe, avec la semi-sécession des artistes qui allaient former Image Comics et changer un peu les règles du jeu.
Le frère d’une de mes amies (que je ne remercierai jamais assez !) commença à me prêter de la lecture un peu moins “je mets mon slip par-dessus mon pantalon et on dirait que je viendrais d’une autre planète” et un peu plus “je m’appelle Alan Moore et quand tu auras fini ce bouquin tu auras besoin d’une thérapie”. Les Watchmen (que je re-découvrais, après un premier rendez-vous manqué lors de la parution des premiers épisodes chez… Lug ? Je ne sais plus, et pas moyen de retrouver la référence, mais la première publication se fit sous couverture souple, au compte-gouttes, et s’arrêta avant la fin… ou alors c’est que ma libraire ne les prenait plus ! EDIT : c’était Aredit, en fait : voilà les couv’ ici, et merci au Raton Laveur mentionné plus bas), le Sandman (que je pouvais ENFIN lire !), V pour Vendetta (qui me retourna définitivement le cerveau)…
Aujourd’hui, quand je passe à la Fnac ou chez Cultura, je suis bluffé par la profusion de comics et de mangas qu’on y trouve. Tout ça sous des formats sexy, chez Urban Comics ou Panini, avec des couvertures splendides, des articles sur les auteurs et autrices, des reproductions des couvertures originales ou alternatives… Difficile de penser qu’à une époque, trouver les quatre ou cinq principaux magazines de comics français chez un marchand de journaux tenait de la gageure… Et pourtant, je me rappelle que mes amis et moi, nous surveillions avec vigilance le rayon “enfants” de la librairie locale, guettant les parutions, et en particulier les albums, pour ne pas les rater ! On se téléphonait pour donner l’alarme !
“Hé, le dernier album des X-men est sorti, mais quand je l’ai pris, il n’en restait plus qu’un. Faut te grouiller si tu veux le choper !”
Où j’en étais, déjà ?
Ah oui : aujourd’hui, il y a beaucoup de comics. Les séries X-men se déclinent presque à l’infini, ou en couleurs, comme les Pokémon. L’univers Marvel, qui gagne en popularité au cinéma (c’est rien de le dire !), devient particulièrement complexe dans les comics. Pas évident de trouver des choses digestes quand on n’est pas complètement accro à l’actu des superhéros…
Oui, mais parfois, on a des potes qui connaissent particulièrement bien le sujet et qui vous dirigent vers des choses récentes et excellentes… Et ça tombe bien, un pote comme ça, j’en ai un : un raton laveur galactique et érudit, mordu par un comics radioactif. Il m’a recommandé quelques pépites, dont je vais vous parler dans les jours qui viennent (en plus de vous entretenir des films que j’ai vus récemment, de l’actualité rôlistique et des phases de la lune !).
Allez zou, à demain !
Le mariage de Tarzan

Hello les amis ! Dernier post de la semaine avant un week-end bien mérité (en fait, non : qui peut “mériter” un week-end, déjà ? Et qu’arrive-t-il aux gens qui ne le méritent pas ? Ils passent direct du vendredi au lundi ? L’affaire est à creuser…)
Enfin bref. Ces deux dernières semaines, j’étais en mode créatif/écriture de scénar, et ça m’a beaucoup occupé l’esprit. Créer, même lorsqu’il s’agit surtout d’agglomérer un certain nombre de choses anciennes pour en faire “quelque chose de nouveau mais avec un goût d’hier”, ça mobilise énormément d’énergie. Curieusement, d’ailleurs, ça en nécessite davantage quand on sait ce qu’on fait que quand on y va un peu au feeling (cela dit, j’ose espérer que le résultat est quand même meilleur dans le premier cas). Ce qui est rigolo, avec le cerveau, c’est qu’il fait un peu ce qu’il veut, parfois. Et surtout, quand on le sollicite beaucoup, il continue tout seul sur sa lancée.
La nuit, autour de 2h du matin, par exemple. Le con.
Ca m’était déjà arrivé quand j’apprenais les bases de l’informatique (et c’est aussi arrivé à nombre de mes élèves lorsque je leur enseignais ensuite ces méthodes, en particulier la gestion de fichiers et l’utilisation d’Excel) : la nuit, je rêvais que je déplaçais des fichiers, des dossiers, que je les renommais. Je m’endormais en pensant par exemple aux courses que je devais faire, et mon esprit sur le point de glisser dans le rêve symbolisait mon caddie par un dossier où je rangeais toutes les courses comme des fichiers. C’était assez rigolo : le cerveau continue à s’exercer la nuit.
Eh bien ça m’a fait la même chose avec l’écriture de scénar : je viens de passer ma nuit à jongler entre les paragraphes, à couper-coller des phrases, à réécrire des trucs… Je n’en ai bien sûr aucun souvenir.
Tout ça pour dire qu’il s’agit de quelque chose de très nouveau pour moi (alors que j’ai quand même quelques scénarios de JDR au compteur…), que j’acquiers de nouveaux savoir-faire, en espérant qu’ils me faciliteront la tâche par la suite. Je ne sais pas de qui je tiens tout ça, mais en ce qui concerne ma passion pour les récits, ça ne fait aucun doute, ça vient de mon grand-père, Stanislas Kolak.
C’était un formidable conteur, mon grand-père, et un bonhomme hors du commun. Il avait toujours dans ses poches des croûtons de pain ou des restes de bouffe à donner aux oiseaux ou aux chats errants qu’il croisait sur son chemin, en balade, quand il n’était pas sur sa vieille mobylette orange de papy. Il prenait le temps de faire les choses bien : je me rappelle encore de ses gestes mesurés rien que pour peler une pomme, c’était quelque chose qu’il fallait faire correctement. Il était incroyablement présent.
Et mon grand-père racontait des histoires incroyables. Des mélanges de contes de fées, d’histoires drôles et de tout ce qu’il avait vu à la télé, parce qu’il adorait les films d’aventure, et surtout la série des Tarzan avec Johnny Weissmuller (pardon pour mon gag dans la photo en haut, mais c’était plus fort que moi). Mon grand-père savait également jouer de tous les instruments, et je dis bien tous : il suffisait de lui mettre un machin qui fait de la musique entre les mains pendant une heure pour qu’il comprenne comment en tirer une mélodie. Le piano, le violon, et surtout l’accordéon, il savait jouer de tout ça. Il ne s’est arrêté d’en jouer qu’en 1981. Il a mis ses instruments de musique en berne, en quelque sorte, par solidarité avec son pays qui souffrait (à l’époque, ça ne rigolait pas trop en Pologne). Mais il a repris ensuite, hein !
Quand j’allais chez mon grand-père, je n’attendais qu’une chose : qu’il nous raconte des histoires, à mon cousin et à moi. Il se posait en nous regardant avec un air malicieux, et il nous disait : “est-ce qué tu connaisse l’histoire de çui qui faisait de la musique en pétant ?” Il avait toujours le chic pour trouver des accroches complètement abracadabrantes, mon grand-père : je vous garantis que l’histoire du gus qui produisait des mélodies avec son derrière valait mieux que tous les contes de Grimm réunis, avec le petit bonus scato qui va bien en plus. En racontant son histoire, mon grand-père vivait le truc, et il riait aux éclats avec nous quand il racontait les passages les plus hilarants. Il ne nous a jamais raconté la même histoire deux fois de suite. Chaque fois, c’était de l’impro, chaque fois c’était génial.
Et surtout, il y avait un petit quelque chose en plus…
Toutes les histoires de mon grand-père se finissaient par une grande fête ou un festin. Généralement, c’était un mariage. On attendait ce moment-là, parce qu’il était super important : c’était un de ses codes narratifs, et le plus essentiel. L’histoire se finissait dans la joie, le péteur musical épousait la princesse (chez qui l’amour de la musique et de la performance l’emportait sur la sensibilité olfactive), et il y avait un grand bal. Tout le monde dansait (même dans la jungle, quand c’était une histoire de Tarzan), et surtout…
“Tu sais pas qui c’est qui jouait de l’accordéon pour faire danser tout ce monde-là ?”
Nous, on savait, bon sang, et on était fiers, parce que croyez-moi, y a pas beaucoup de familles qui peuvent se vanter d’un tel exploit, alors tu penses bien, on se sentait super privilégiés. Mais on faisait non de la tête, évidemment, ça aussi ça faisait partie des codes.
“C’était moi !”
Tous nos potes pouvaient nous raconter ce qu’ils voulaient sur leurs ancêtres héroïques, notre grand-père à nous avait fait danser Tarzan (et une palanquée d’autres héros), et c’était systématiquement à lui que les gens faisaient appel quand on venait de trucider un dragon ou une autre saloperie du genre… Est-ce qu’on y croyait ?
Punaise, les ami·es, si vous aviez pu regarder mon grand-père dans les yeux à ce moment-là, vous auriez su que c’était vrai.
Bon week-end à tous (ou bon vortex temporel à ceux qui se retrouveront projetés à lundi sans passer par la case repos) et à la semaine prochaine !

Sandy Julien
Traducteur indépendant
Works in Progress
- Secret World Domination Project #1 44%