Les jeux de rôle, qu’est-ce que c’est ?

 

Je parle souvent de jeux de rôle (ou JDR) sur ce blog, parce qu’il s’agit de mon loisir préféré. Je me suis même demandé pourquoi je l’appréciais plus que tout autre, et j’ai trouvé un embryon de réponse.

Cela dit, le jeu de rôle est assez méconnu en France, surtout en dehors des grandes agglomérations qui disposent de clubs et d’associations dynamiques. Il est difficile de se faire une idée de ce qu’est réellement un JDR sans avoir au moins assisté à une partie… mais ce n’est pas pour autant impossible. Je vais m’efforcer de définir clairement la façon dont on pratique cette activité, afin que vous ayez une petite idée de ce que ça donne, au cas où :

a) vous seriez intéressé mais auriez besoin d’informations avant de vous décider à jouer ;

b) vous auriez envie de disposer d’une définition détaillée de ce passe-temps ;

c) vous seriez un parent inquiet dont l’enfant a entrepris de pratiquer ce loisir (sur lequel a plané un temps un parfum de soufre à cause de médias avides de sensations et de drame) ;

d) vous n’auriez vraiment rien de mieux à faire des quinze minutes qui viennent.

jeux

Des jeux de rôle, il y en a des tas, pour tous les goûts !

Si vous connaissez déjà les JDR, ça ne va sans doute pas être très folichon. Si vous en ignorez presque tout, ou si vous pensez qu’il s’agit de s’habiller en chevalier avec une armure en carton pour taper sur les autres joueurs avec une arme en mousse, je déclare l’état d’urgence et je vous encourage vigoureusement à poursuivre cette lecture.

Je me suis efforcé d’éviter au maximum le jargon et de définir le JDR de façon presque « pédagogique » en expliquant tous les éléments qui le composent.

 

Aperçu : un jeu de société pas comme les autres

Un JDR est un jeu de société, dans la mesure où on le pratique à plusieurs, généralement autour d’une table, avec le genre de matériel que l’on trouve dans les boîtes de Monopoly ou de petits chevaux : des règles du jeu, des dés, des bouts de papier, et éventuellement tout un tas de petits bitoniaux comme des pions, des figurines ou des plateaux quadrillés.

Je sais que certains contestent l’appellation « jeu de société » dans la mesure où elle peut paraître réductrice, mais elle me semble tout à fait justifiée.

Lors d’une partie de JDR, un des joueurs appelé le « maître du jeu » (ou MJ) fait office d’arbitre et de narrateur. Il décrit une situation imaginaire et généralement conflictuelle. Les autres joueurs interprètent des « personnages joueurs » (ou PJ) : ils ont pour objectif de décider ce que font ces personnages et comment ils tentent de résoudre le problème. Le MJ les écoute, puis leur explique quel effet ont leurs actions, et comment la situation initiale évolue. Il peut réagir de trois façons.

 

1 – Il déduit « logiquement » l’issue de la situation des éléments qui lui sont présentés. Il s’agit dans ce cas d’une décision « arbitraire » : le MJ se fie à son bon sens, à son expérience et à son habitude de la narration pour déterminer comment évolue la situation suite aux actions des PJ. Exemple.

MJ : après un long voyage en pleine nature, vous arrivez dans une clairière. Trois chevaux lourdement harnachés sont attachés à un petit bosquet. Vous apercevez les restes d’un feu de camp, éteint depuis peu. Que faites-vous ?

PJ numéro 1 : je m’approche des chevaux.

MJ (réfléchissant au fait que les chevaux ne connaissent pas le personnage) : les animaux s’agitent et font du bruit. L’un d’entre eux hennit. Que faites-vous ?

 

2 – Il réagit en fonction du scénario qu’il a préparé.

MJ : vous êtes devant le coffre.

PJ 1 : je l’ouvre.

MJ (qui a prévu dans son scénario que le coffre était piégé) : le piège du coffre se déclenche. Une fléchette jaillit et se plante dans ton bras.

 

3 – Il a recours aux règles pour connaître l’issue de l’action.

MJ : tu te trouves devant un fossé d’environ trois mètres de large. Il te bloque le passage. Que fais-tu ?

PJ1 : je saute par-dessus pour passer de l’autre côté.

dés

Si tu regardes dans le petit pot de dés, le petit pot de dés regarde en toi.

MJ (consultant les règles et effectuant quelques calculs pour savoir comment résoudre la situation) : lance le dé. Si tu obtiens un résultat supérieur à 15, tu passes de l’autre côté. Sinon, tu vas tomber dans le fossé et tu risques bien d’être blessé.

 

Vous remarquerez que le MJ termine ses descriptions par une petite phrase « magique » : que faites-vous ? Le JDR est un dialogue constant entre les joueurs incarnant des PJ et le MJ. Le MJ présente une situation, demande aux autres joueurs de réagir, puis « interprète » l’évolution de la situation (de diverses manières comme mentionné ci-dessus). Il décrit la nouvelle situation et demande à nouveau aux autres joueurs leur réaction, et ainsi de suite.

Le déroulement de la partie est soumis à l’arbitrage du MJ, qui s’appuie sur les règles du jeu pour résoudre les situations conflictuelles (mais aussi pour gérer d’autres éléments de la partie… mais n’entrons pas tout de suite dans les détails).

Vous remarquerez toutefois que si l’on s’en tient à cette explication, le JDR se limite à une sorte de « jeu de résolution de problèmes » : chaque action/réaction entraîne une évolution logique de la situation, donc dans l’absolu, le rôle du MJ n’a rien de bien passionnant et pourrait presque être assuré par une intelligence artificielle ou un corpus de règles.

Le MJ ne se cantonne cependant pas au rôle d’arbitre. D’une part, c’est lui qui choisit la situation initiale et la décrit avec ses propres mots. D’autre part, il est libre d’introduire spontanément des éléments nouveaux dans ses descriptions, de faire survenir des événements inattendus, bref, de « relancer l’intrigue ». Le MJ a un rôle d’auteur : c’est lui qui est censé pimenter le récit en y faisant constamment apparaître des détails inédits afin que la partie ne se limite pas à une succession d’énigmes.

Le terme d’auteur peut paraître un peu fort, mais il me semble approprié. C’est pour cette raison que j’ai écrit au paragraphe précédent « [il décrit la situation] avec ses propres mots ». En effet, le JDR est avant tout un exercice de narration orale, en « temps réel ». En ce sens, la description d’une même scène peut varier d’un individu à l’autre, et on peut même parler de « style » : chaque personne a une façon bien à elle de narrer une histoire. Pensez à vos amis : vous connaissez sans doute au moins une personne qui « sait raconter les histoires » et qui arrive à faire rire toute une assemblée avec une grotesque blague de Toto. Eh bien il en va de même pour les maîtres de jeu.

Pourquoi ces explications un peu approfondies dès le début ? Pour vous faire comprendre qu’un JDR n’est pas un simple « jeu d’aventure sur PC » où chaque joueur aura une expérience à peu près identique, à quelques variations près (même dans un jeu comportant « douze fins différentes » par exemple). Le JDR est une expérience sociale et possède donc un potentiel de variété infini.

 

Que faut-il pour jouer ?

 

Oubliez les armes en mousse de latex et les costumes d’époque. Pour jouer à un JDR, il faut :

* plusieurs joueurs : on peut jouer à partir de deux, mais selon ma propre expérience, la table idéale rassemble quatre à six joueurs ;

* du papier et de quoi écrire : ce n’est pas indispensable, en fait, mais disons que 99% des JDR en utilisent ;

* un JDR et ses accessoires spécifiques : il existe d’innombrables JDR utilisant tous des systèmes différents. On ne joue pas au Scrabble avec le même matériel qu’on joue au Monopoly. Eh bien il en va de même (ou presque) avec les JDR. Cependant, on trouve de très nombreux JDR gratuits. L’accessoire classique du JDR, ce sont les dés polyédriques. Certains jeux utilisent de simples dés à six faces, mais d’autres ont recours à des dés à 4, 8, 10, 12 et 20 faces, voire à des dés dont les faces comportent des symboles spécifiques. Les dés « bizarroïdes » constituent un élément exotique que l’on associe bien souvent aux JDR, et ils font partie de leur charme !

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Ce sont les PJ qui vont piloter le Piaf Centenaire, mais c’est surtout le MJ qui va se taper tout le jargon technique qui l’accompagne…

* du temps : beaucoup, beaucoup de temps. Une partie de JDR peut durer une heure, mais selon mon expérience, on y passe généralement entre 3 et 5 heures d’affilée. Par ailleurs, le MJ doit « préparer la partie », ce qui peut lui prendre autant de temps, voire plus, surtout avant les premières parties. Les autres joueurs peuvent également avoir besoin d’un certain temps de préparation, qui implique d’ordinaire l’apprentissage des règles et une bonne quantité de lecture. Le JDR est un loisir extrêmement chronophage, mais le jeu en vaut la chandelle : préparer une partie de JDR équivaut un peu à préparer un bon repas entre amis.

 

La préparation

Avant une partie de JDR, il faut se livrer à une certaine préparation. En effet, les règles des JDR sont souvent conséquentes (certains livres de règles comptent plusieurs centaines de pages) et nécessitent un investissement en temps qui n’est pas négligeable. Concrètement, comment ça se passe ?

 

Vous le saurez au prochain épisode, intitulé : C’est le MJ qui se tape tout le boulot