Sur l’insistance d’une foule nombreuse (salut Charlotte, Marie, Fabien et Thomas !), je vous livre la liste des dix films qui m’ont marqué.

Pouf pouf. En fait je vous livre la liste des dix films qui m’ont marqué en fonction de ce que je pense aujourd’hui. D’ici la fin de cette série d’articles, la liste aura sans doute changé. Mais j’ai quand même une ruse subtile pour ratisser assez large. Je vais tricher dès le début. Ha !

Mon premier film favori, c’est donc… Steven Spielberg.

Et là je vois bien ce que vous allez me dire : “Non Sandy, Steven Spielberg n’est pas un film, mais un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio)” (avec une précision assez impressionnante, ou tout simplement parce que vous l’avez copié-collé comme des sagouins sur Wikipedia, et l’hypothèse “sagouins” me paraît quand même plus vraisemblable, désolé de vous le dire).

Effectivement, je ne peux pas affirmer que vous ayez entièrement tort. Pas du tout, en fait. Mais je ne peux pas choisir un film de Spielberg parmi tant d’oeuvres qui ont une énorme importance pour moi.

D’abord le premier de Spielberg que j’aie vu au ciné, E.T. l’extraterrestre, et qui m’a bouleversé, à 10 ans, en CM2. Je n’ai plus dessiné que des E.T. partout pendant des mois. Je suis devenu complètement obsédé par E.T., mais aussi (ce qui témoigne de l’efficacité du film) par la culture américaine en général. A l’origine, le scénario de E.T. était conçu pour montrer le quotidien d’un gosse américain. L’extraterrestre n’est qu’un prétexte. La famille (décomposée, évidemment) est au centre des attentions du réalisateur : il sait comment introduire de l’ordinaire dans l’extraordinaire (le contraire est tellement plus facile !).

L’année du film, 1982, est devenue en quelque sorte LE jalon essentiel de ma vie de cinéphile, celui qui me permet de situer les films dans le temps – une tâche d’autant plus complexe que pendant les années 80, les jeunes geeks vont voir défiler une série ahurissante de films formidables, des blockbusters calibrés pour la génération Star Wars.

Quand je vois aujourd’hui les mêmes geeks vieillis et aigris se plaindre de la “machine hollywoodienne”, des films “pompe à fric” d’aujourd’hui et autres calembredaines, je suis un peu attristé qu’ils n’aient pas compris : ces années 80 qu’ils idolâtrent ont vu naître, littéralement, cette façon de concevoir les films (le premier “blockbuster” est d’ailleurs Jaws/Les Dents de la mer). Les productions qui s’enchaînent ne sont pas, tant s’en faut, des oeuvres de candides auteurs épris de métaphysique cinématographique et de sens profond. Ce sont des films pour grand public, et ils sont fiers de l’être. S’ils obtiennent un succès phénoménal, c’est en faisant du divertissement pur et dur (de l’entertainment), pas en plongeant dans les abysses de la psyché humaine. Leur profondeur réelle, on ne l’explorera qu’a posteriori : pendant les années 1980, c’est le fun qui compte avant tout… le fun, et l’émotion. Et de l’émotion, il y en a à revendre dans les films de Spielberg.

Je me jette sur tout ce qui parle du film. Magazines, coupures de presse et surtout, adaptation en roman (par William Kotzwinkle, qui a un nom rigolo et qui a écrit une palanquée de bons romans). En 1982, le seul moyen de se replonger dans l’univers du film, c’est d’aller le revoir au cinéma. Difficile, parce que le plus proche ciné est à trente bornes, donc inaccessible pour moi ; ma mère ne m’emmènerait pas revoir le même film plusieurs fois, ça paraîtrait aberrant. Quand j’y pense, aujourd’hui, où l’on peut voir et revoir un film autant qu’on le souhaite, on ne se rend pas compte qu’à l’époque, revoir un film, c’était du luxe. Au point que ça paraissait vraiment too much. On en reparlera quand je vous entretiendrai de la révélation des magnétoscopes, dans un prochain article.

Mais revenons à nos moutons… En 1982, donc, le seul moyen raisonnable de continuer à profiter du film, c’est de lire le bouquin qui en est tiré (ou la BD dans certains cas). Ce roman, je vais le lire et le relire, en y découvrant notamment plus d’informations sur le jeu curieux que pratiquent Elliott et ses copains au début du film, un certain “Donjons & Dragons”. Je vais même lire la suite écrite par Kotzwinkle, “E.T. et la planète verte”, qui ne me laissera pas un souvenir inoubliable… C’est la suite de trop. Je me documente bien sûr sur tout ce qui concerne le film, et je découvre des noms comme Kathleen Kennedy (formidable productrice qui suivra Spielberg très longtemps) ou encore John Williams.

John Williams… Ce nom-là va verrouiller mon horizon musical pendant des années : j’écoute essentiellement de la musique de films (encore aujourd’hui, d’ailleurs), et en comprenant l’influence qu’elle a sur l’émotion ressentie, je m’y intéresse énormément. Je ne deviens pas musicologue pour autant, mais je sais que la musique, ça compte.

Bref, E.T. devient mon ami imaginaire et sera le premier jalon de ma Spielbergomanie.

Je ne découvrirai Les Dents de la mer que des années plus tard (lors d’un passage à la télé). Le film est excellent, mais ne me marque pas pour autant. Je le redécouvre à chaque nouveau passage. Je l’achète en DVD. Je finirai par l’acheter en Blu-Ray, quand j’aurai enfin compris que ce film est mon film préféré, que chaque visionnage est encore plus agréable que le précédent, que j’y découvre sans cesse de nouvelles choses (et j’en découvre encore en traduisant l’ouvrage consacré au film dans la collection des petits BFI chez Akiléos).

Les Aventuriers de l’arche perdue est un passage obligé pour tous les geeks. Je le vois au ciné à Nevers (le ciné de la petite cité des Courlis, un peu excentré par rapport au “grand” ciné, le Palace). Pendant le final où les nazis fondent (séquence un peu gore), ma grande soeur, craignant sans doute pour ma sensibilité, tente de me cacher les yeux (en vain, évidemment). Je ne suis pas traumatisé, bien au contraire. Je trouve ça très cool de voir des nazis fondre comme des mannequins de cire, d’autant que ce sont quand même de sacrés salauds. Par la suite, ce premier Indiana Jones deviendra pour moi le meilleur film d’aventures de tous les temps. Mon opinion n’a jamais changé à ce sujet.

La Couleur Pourpre. Je suis déçu que Spielberg s’éloigne des terres bénies du fantastique pour livrer une “simple” histoire réaliste, mais le nom du réalisateur suffit à me convaincre de tenter le coup. De temps à autre, un film est projeté dans la salle des fêtes du petit patelin où j’habite : c’est une belle façon de mettre la culture ciné à portée de ceux qui ne peuvent pas aller au ciné de Nevers. Le film est phénoménal. Je découvre Whoopi Goldberg. Elle devient pour un temps mon actrice préférée.

Jurassic Park. Le film sort dans une atmosphère de revendication de l’identité culturelle française. Très artificiellement, il est opposé par les médias à Germinal, qui sort en même temps, vanté comme une sorte de flambeau cinématographique franco-français. Au milieu d’une polémique stérile, c’est à se demander s’il ne faut pas choisir son camp. Pour moi, c’est assez simple : j’en prends plein la figure devant les dinosaures, et j’adore le film, qui consacre mon divorce avec le ciné français (on ne s’est jamais réconcilié depuis).

Schindler. On sort du ciné. Tous les spectateurs sortent en silence. Quelques-uns pleurent encore. Je ne peux pas revoir ce film.

Il faut sauver le soldat Ryan. La première demi-heure est l’expérience la plus traumatisante que j’aie vécue au ciné.

Le ciné de Spielberg m’a transformé en cinéphile plus ou moins averti (puisqu’il m’a appris à aller chercher les noms importants au générique), un peu mélomane (grâce à tonton John Williams) et sans doute un petit peu plus humain. Lui et moi, on n’est pas d’accord sur son film de poisson tueur (qu’il affirme souvent détester), mais je l’aime toujours beaucoup. Grâce à lui (et au fameux “brat pack”) est né un cinéma complexe et profond, mais qui cherche avant tout à divertir son public. A le divertir dans les règles d’un art qu’il réinvente sans cesse.

BONUS – Meilleur brachiosaure de Steven Spielberg : c’est évidemment le brachiosaure qui éternue à la figure de la petite fille dans Jurassic Park. Il a la taille idéale pour un brachiosaure, et c’est une belle scène de brachiosaure qu’il nous offre là. Score de brachiosaure : cinq crêtes de dimétrodon.

Demain, un autre film de brachiosaure passionnant !